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En Europe occidentale et centrale, de la vallée du Rhône jusqu'à la Slovaquie, de très nombreuses fosses de plan circulaire renfermant un ou plusieurs corps ont été mises au jour par les archéologues au cours des dernières décennies. Elles appartiennent à la période qui va de 4.500 avant J.-C. à 3.500 avant J.-C., correspondant, en France, au Néolithique moyen. Une découverte réalisée en 2012 sur la commune alsacienne de Bergheim, dans le Haut-Rhin, atteste pour la première fois un lien entre violence et dépôts humains en fosse à cette époque.
Elle a été réalisée par une équipe réunissant des chercheurs de la société Antea-Archéologie et des unités de recherche Archéologie et Histoire Ancienne : Méditerranée - Europe (ArchimèdeArchimède-CNRS/université de Strasbourg/université de haute-Alsace /Inrap) et De la Préhistoire à l'Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie (PACEA -CNRS /université de Bordeaux). Cette découverte inédite vient de faire l'objet d'un article détaillé dans la revue Antiquity.
Parmi la soixantaine de fosses circulaires datant de cette période découvertes sur le site de Bergheim, l'une renfermait un contenu encore jamais observé. Au fond se trouvaient sept portions de membres supérieurs gauches amputés au niveau du bras. Juste au-dessus de ces membres amputés, les archéologues ont par ailleurs mis au jour huit corps empilés de façon anarchique comme s'ils avaient été jetés dans la fosse sans autre ménagement.
La fosse circulaire mise au jour à Bergheim, dans le Haut-Rhin. Elle contenait huit corps entassés et des restes humains, preuves de violences contre des hommes, des femmes et des enfants. © Fanny Chenal, Bertrand Perrin, Hélène Barrand-Emam et Bruno Boulestin, Antiquity Publications Ltd, 2015
Un combat entre clans rivaux
Six des membres amputés appartiennent à des sujets adultes ou de taille adulte, le septième étant celui d'un adolescent de douze à seize ans. Les corps sont ceux de deux hommes et deux femmes adultes et de quatre enfants. Le bras gauche de l'un des deux hommes a également été amputé. « Outre les traces de coups tranchants liées aux amputationsamputations, les sept membres supérieurs qui ont été découverts portent des marques de découpe. L'individu amputé présente quant à lui plusieurs traces de coups violents au niveau de la tête qui correspondent vraisemblablement à sa mise à mort », précise Bruno Boulestin, anthropologue au sein de l'unité PACEA et co-auteur de l'étude.
Bien que de nombreuses zones d'ombre entourent encore les circonstances de la mort de ces êtres humains, plusieurs indices suggèrent une forme de violence guerrière entre groupes rivaux. Les décès simultanés de nombreux individus, les traces probables de mise à mort sur l'un d'eux et les amputations traumatiques accréditent fortement cette hypothèse. La présence de membres amputés pourrait pour sa part correspondre à autant de trophées pris à l'ennemi.
« Le fait d'avoir retrouvé des enfants dans la fosse ne va pas dans le sens de pratiques violentes au sein d'un même groupe car tuer les jeunes de sa propre communauté c'est mettre en péril l'avenir de celle-ci », assure Bruno Boulestin. Pour confirmer un tel scénario et cerner ce phénomène dans sa globalité, les archéologues vont devoir mettre la main sur d'autres fosses de ce type à proximité de la zone de fouille mais aussi dans d'autres régions d'Europe occidentale et centrale. Un travail de fourmifourmi auxquels s'attellent déjà les chercheurs.