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La mise en commun de travaux menés par des équipes françaises issues des Sciences de la Terre et des Sciences humaines sur deux sites exceptionnels du département de l'Ardèche : le Bas-Vivarais (Geopark Unesco) et la grotte Chauvet-Pont d’Arc (inscrite par l'Unesco en 2014 sur la liste du patrimoine mondial de l'humanité) a permis de déterminer l'âge des plus anciennes représentations par l'Homme d'une éruption volcaniqueéruption volcanique. Pour cela, les chercheurs ont daté les éruptions des volcansvolcans d'Ardèche visibles depuis le plateau surplombant la grotte Chauvet.
Essentiellement stromboliennes et caractérisées par des projections de laveslaves sous forme de fontaines, ces éruptions se sont révélées contemporaines de la période d'occupation de la grotte durant l'Aurignacien. Ainsi, il est fort probable que les populations humaines vivant alors dans la vallée du Rhône ont vécu un ou plusieurs événements volcaniques dans la haute vallée de l'Ardèche.
Plus en détail, les datations 40Ar/39Ar de trois éruptions particulières (Suc du Bauzon, Coupe d'Aizac et maarmaar de Ray-Pic) donnent des âges entre 29 ± 10.000 ans et 35 ± 8.000 ans. Elles coïncident avec les âges carbone 14 (37 à 34.000 ans avant le présent) et de thermoluminescence (36,9 ± 2.300 ans) correspondant à l'occupation et à l'âge des signes en forme de gerbes formées par deux faisceaux de lignes courbes divergentes trouvés dans la galerie des Mégacéros.
À gauche : topographie de la grotte Chauvet-Pont d’Arc. À droite, B et C : exemple de signe en double gerbe du panneau des Mégacéros comparé avec les pétroglyphes trouvés près du volcan Porak en Arménie (cinquième millénaire av. J.-C.). © V. Feruglio, S. Nomade et al., Plosone
Une hypothèse renforcée par les choix de l’iconographie des animaux
Les chercheurs suggèrent que le design distinctif des signes en « gerbes » est une réminiscence des fontaines de laves typiques des éruptions strombolienneséruptions stromboliennes. Dans la grotte quatre occurrences ont été trouvées dans les galeries des Mégacéros et du Belvédère ainsi qu'une autre près de l'entrée originale dans la salle Brunel. Ces signes ont été tracés soit avec les doigts, comme dans les galeries des Mégacéros et du Belvédère, soit peints avec des pigments rouges, comme celui trouvé dans le panneau d'entrée dans la salle Brunel. Ces symboles n'ont pas d'équivalent proche dans la période considérée (l'Aurignacien), ou même parmi les plus de 340 grottes ornées connues en France et en Espagne. Dans un contexte chronologique bien plus proche de nous, l'iconographie de ces signes correspond étroitement à celle des pétroglyphes interprétés comme représentant l'éruption du volcan Porak en Arménie, mais qui n'ont que 7.000 ans.
L'hypothèse défendue par les chercheurs est également envisagée à la lumière des choix par les Aurignaciens de l'iconographie des animaux : dangereux et puissants tels que les lions des cavernes, l'ours des cavernes, les mammouths et rhinocéros, qui n'étaient pas chassés par les humains. Comme il n'y a pas d'autres exemples dans l'art rupestre préhistorique de paysage naturel, c'est peut-être la force de l'image des éruptions volcaniques qui pourrait avoir inspiré les artistes. En effet, tout comme le rendu des figures animales n'est pas entièrement réaliste, ces signes en gerbes restent eux aussi largement symboliques (le volcan lui-même n'est pas dessiné par exemple).
La grotte Chauvet-Pont d'Arc est connue pour ses singularités artistiques, touchant à la technique, aux thèmes, à la composition et aux innovations visuelles pour la période de temps considérée. Trouver la première représentation d'une éruption volcanique dans l'histoire humaine parmi les ornementations de cette grotte exceptionnelle ne serait pas une surprise. Comme un clin d'œilœil à l'histoire des sciences, c'est aussi en Ardèche que le naturaliste français Faujas de Saint-Font a suggéré pour la première fois la relation génétiquegénétique entre coulée basaltiquebasaltique prismatique et volcanisme dans son célèbre ouvrage « Recherches sur les volcans éteints du Vivarais et du Velay » publié en 1778.
Cette étude a été publiée dans la revue Plos One.