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Dans la vallée de la Vézère, en Dordogne, une équipe franco-américaine a réalisé presque coup sur coup deux découvertes majeures : des pierres gravées de traits et de points représentant des formes animales et datant du début de l'Aurignacien supérieur, il y a 32.000 à 34.000 ans. Les chercheurs ont étudié deux sites, l'abri Blanchard et l'abri Cellier.
Dans le premier, situé à Sergeac, dans le vallon des Roches (un ruisseau qui se jette dans la Vézère), les anthropologues, après trois campagnes de fouilles, entre 2009 et 2014, ont trouvé des représentations d'un auroch dans un stylestyle dit pointilliste (l'ensemble des points gravés forme un dessin). « Nous avons fouillé les restes de cet abri dont le toittoit est écroulé depuis longtemps, nous précise Raphaëlle Bourrillon, membre de l'équipe. Mais, sous les gravatsgravats, l'auroch a été trouvé en situation archéologique, c'est-à-dire au milieu d'autres vestiges d'époque. » Il y avait là des restes de repas, des outils, des rejets de tailles... Les anthropologues ont pu ainsi constater que l'abri a servi d'habitat à plusieurs reprises. « Mais nous ne pouvons pas dire quelles durées séparent les périodes. La datation au carbone 14datation au carbone 14, pour cet âge, n'est pas assez précise. On est à mille ans près... »
Des points gravés répartis au hasard ? Non, un dessin de mammouth laineux réalisé il y a au moins 32.000 ans par un artiste aurignacien qui vivait près de la Vézère. Des détails sur la trompe et un trait tracé au niveau de l’œil ne laissent pas de doute. De plus, le calcaire a été abrasé au niveau du dos pour donner à la pierre la forme de cet animal. © Raphaëlle Bourrillon
Un style qui évoque celui de la grotte Chauvet-Pont d’Arc
Il est amusant de constater que cette technique d'art rupestre est celle popularisée par Van Gogh ou Seurat au dix-neuvième siècle (pointillisme). Mais, surtout, l'étude de l'équipe montre qu'elle est semblable à d'autres réalisations artistiques, notamment une œuvre de la grotte Chauvet-Pont d’Arc, datant de la même époque. Il s'y trouve en effet un rhinocérosrhinocéros dessiné de cette manière, à l'aide de gros points de peinture. Ces résultats, publiés fin janvier dans la revue Quaternary International, montrent, selon les auteurs, que la culture aurignacienne, attribuée à Homo sapiens, s'est répandue à cette époque en Europe.
Près de cet endroit, l'équipe, dirigée par Randall White, de l'université de New York, et comprenant aussi des chercheurs français (du CREAP et du groupe Traces, de l'université de Toulouse), a plus récemment fouillé l'abri Cellier. En 1927, ses découvreurs avaient mis au jour des gravures pointillistes sur 15 pierres, dont une représentation d'un auroch. Ces vestiges avaient été laissés sur place, sans avoir pu être datés ni examinés de près.
Un dessin d’auroch et son interprétation. © Raphaëlle Bourrillon
Les abris Cellier et Blanchard remontent à plus de 32.000 ans
Les anthropologues franco-américains, revenus sur place en 2014, réalisent de nouvelles fouilles et ont de la chance : ils exhument 16 blocs de pierre, dont l'un, cassé en deux, peut être daté au carbone 14. Il affiche un âge de 32.000 à 34.000 ans. L'étude montre que cette datation vaut également pour les blocs trouvés en 1927. Leur description vient de faire l'objet d'un article dans la même revue, Quaternary International.
Avec cet âge, ces représentations d'aurochs et de mammouthmammouth laineux peuvent concourir pour le titre de plus anciens dessins connus. Pourtant, estime Randall White dans un entretien avec The Independent, la précision de ces alignements de points est remarquable, d'autant plus que les humains de cette époque en étaient, semble-t-il, à leurs premières œuvres picturales.
« Des dessins en points, bien plus petits, sont retrouvés sur des os et des perles, de différentes matières et servant de parure, commente Raphaëlle Bourrillon, spécialiste des manifestations artistiques de cette période. Il y a une forme d'obsession pour ce style. C'est le même mode de pensée... »