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Yves Rossy, ailes déployées. La vitesse peut varier de 80 à 200 km/h. © Y. Rossy
Vendredi 26 septembre 2008 en début d'après-midi, un Pilatus PCPC-6, spacieux avion suisse à ailes hautes chéri des parachutistes, décolle de l'aérodrome de Calais et grimpe jusqu'à 2.500 mètres. À 14 h 06, un homme assis sur le pas de la porteporte latérale s'élance dans le vide. C'est Yves Rossy, qui porte sur le dosdos un étrange équipement. Dans les secondes qui suivent, il étend ses bras, qui portent des ailes, à la manière d'un Batman de cinéma, lui donnant une envergure de 3 mètres.
Allumés dans l'avion, les quatre petits réacteurs JetCat P200 de 22 kilogrammes de poussée le propulsent jusqu'à 300 kilomètres à l'heure puis l'homme-oiseauoiseau redresse la trajectoire et file vers l'ouest à 200 km/h. Direction, la Manche. Derrière lui, le Pilatus prend le même cap, accompagné d'un monomoteur Sukhoi.
Quelques minutes seulement pour traverser la Manche, sans avion... © Yves Rossy/YouTube
Durant les quelques minutes du vol, Yves Rossy ne pilote pas. Il vole. Il n'est pas à l'intérieur d'un aéronef. Il n'est pas non plus accroché sous l'aile d'un deltaplane ou la voile d'un paramoteur. Ses ailes sont solidaires de ses bras et c'est son corps qui fait office de gouvernes. Il se redresse pour monter et se penche en avant pour descendre. Pour tourner, il avance un peu un bras et une jambe et se tord légèrement. Il navigue à vue et n'a d'autre instrument que ses yeuxyeux.
« Je suis en osmose avec les éléments »
« Au niveau du feeling, je peux imaginer qu'un oiseau, c'est ça, raconte le pilote suisse avec son délicieux accent vaudois. Il n'y a rien entre moi et le milieu. Je suis en osmose avec les éléments. » À peine 5 minutes plus tard, il survole le territoire britannique, 32 kilomètres plus loin. Ses 12 litres de carburant sont consommés. À 14 h 19, quatre-vingt dix-neuf ans après Louis Blériot, Yves Rossy, sous parachuteparachute (car s'il vole comme un oiseau, il atterrit moins bien), touche le sol anglais.
Homme-oiseau, homme volant, ou FusionMan, voire JetMan, comme il s'est nommé lui-même, Rossy mérite ces qualificatifs. Il fait effectivement partie de ces quelques humains qui volent vraiment de leurs propres ailes et avec leur propre corps. Il en est d'autres, qui se passent de réacteurs et descendent en planant grâce à leurs wingsuits, tenues de toile offrant de larges surfaces portantes entre les jambes et les bras. Le Français Loïc-Jean Albert a été très loin dans la mise au point de telles structures et aussi dans la technique de vol. Pour en savoir plus, rendez-vous sur son site. Attention, ça décoiffe...
« Si je veux monter, je me cambre un petit peu. Si je veux descendre, je me penche en avant. Si je veux aller à gauche, je me penche comme ça, en remontant le buste pour ne pas descendre, je sors un peu la jambe et le bras. C'est comme le gamin qui joue à l'avion... ». © Yves Rossy/YouTube
Techniquement, ce vol à réaction n'a rien de facile. Il a fallu tout mettre au point, depuis la structure des ailes jusqu'à la manière de sauter de l'avion et d'allumer les réacteurs. Pilote de ligne, ancien pilote de chasse, parachutiste à ses heures, Yves Rossy prépare méticuleusement cette technique sans équivalent depuis 2001. Il a déjà volé plusieurs fois avec ses ailes à réaction et plusieurs prototypes se sont succédé.
Depuis cette belle réussite, le Suisse continue à explorer ce domaine de vol inédit et confie qu'il se place dans les pas des pionniers de l'aviation, à qui il voue une admiration sans bornes.