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Une vue stylisée d'un SR-72, drone hypersonique capable de se déplacer à Mach 6, donc plus de 6.000 km/h. © Lockheed Martin
Projet futuriste et confidentiel, le SR-72 sera sans doute à l'abri des regards durant des décennies. Son concepteur, Lockheed Martin, l'a pourtant récemment dévoilé. L'occasion de s'y intéresser avant qu'il ne retombe parmi les secrets militaires. Le constructeur américain annonce étudier le concept d'un hypersonique capable d'atteindre Mach 6 pour des opérations militaires sans pilote. L'idée est semble-t-il de pouvoir observer, voire bombarder avec des missiles hypersoniques, n'importe quel point de la planète au moyen d'un engin trop rapide pour être intercepté.
Son nom de baptême reprend l'appellation du célèbre SR-71, dit Blackbird, un avion d'observation volant à Mach 3, qui a effectué son premier décollage en décembre 1964 et son dernier atterrissage en 1998. C'est le même bureau d'étude, du même constructeur, qui planche aujourd'hui sur ce SR-72.
Les quelques informations indiquées dans le communiqué de Lockheed Martin annoncent une motorisation hybridehybride, comme dans tous les projets d'avions hypersoniques. L'engin décollerait à l'aide d'un turboréacteur classique qui l'emporterait jusqu'à environ Mach 2,5 ou 3. Au-delà de ces vitesses, ce genre de propulseur ne convient plus. Le SR-72 utiliserait alors un statoréacteur (ramjet en anglais), principe imaginé par René LeducRené Leduc et utilisé depuis longtemps.
Représentation, très schématique, de l'hypothétique SR-72 et de sa motorisation mixte (combined cycle propulsion). Elle réunit un turboréacteur (turbine) et un statoréacteur (ramjet) pour assurer le vol depuis le sol jusqu'aux vitesses hypersoniques (from static to hypersonic speeds). Le turboréacteur assure la poussée (thrust) jusqu'à Mach 3. Le statoréacteur fonctionne selon deux modes (dual-mode ramjet), à combustion subsonique et supersonique. L'entrée d'air (inlet) et la tuyère (nozzle) sont communes aux deux réacteurs pour réduire la traînée aérodynamique (drag). © Lockheed Martin
Une série de défis techniques
Dans ce genre de réacteur, aucune pièce n'est mobilemobile, c'est le flux d'air parvenant dans un étranglement qui provoque la compression indispensable à l'allumage. À vitesse nulle ou faible, un tel réacteur ne produit aucune poussée et il ne peut donc être que le complément d'une turbine classique. Un statoréacteur a aussi une vitesse maximale. L'air doit en effet être ralenti à vitesse subsonique pour que la combustioncombustion se déroule normalement. La limite est d'environ Mach 6. Au-delà, la combustion commence à se produire trop loin, à la sortie du réacteur.
La variante appelée superstatoréacteur (scramjetscramjet en anglais) ne ralentit pas l'air jusqu'à des valeurs subsoniques, et impose donc de maîtriser la combustion au sein d'un flux supersonique. Avec des températures très élevées et des effets aérodynamiques complexes, la mise au point des superstatoréacteurs est jonchée de défis techniques. Boeing et l'US Air Force, par exemple, cherchent toujours à faire voler convenablement le prototype X-51A dit Waverider.
Des avions hypersoniques pour l’armée ou le civil
La difficulté est aussi d'ordre aérodynamique pour rendre les gouvernes efficaces à de telles vitesses. En 2010 et 2011, les échecs successifs du prototype HTV-2, simple planeurplaneur, ont refroidi les enthousiasmes pour ces projets d'engins hypersoniques, aboutissant à l'abandon du programme HTV3X, muni de réacteurs. Au-delà de Mach 6, le pilotage reste encore à inventer. Rappelons que les navettes spatiales, qui atteignaient ces vitesses hypersoniques au début de la descente, ne se servaient alors de l'air que pour se freiner, à la manière des capsules de rentrée atmosphérique.
L'idée demeure, malgré les difficultés, de faire un jour voler des avions à très grande vitesse, pour les besoins militaires, car les budgets sont là, et sans doute pour des programmes civils. En 2011, EADSEADS avait montré Zehst (Zero Emission High Supersonic Transport), un concept théorique pour répondre à une étude de faisabilité émise par la DGAC (Direction générale de l'aviation civile). On est encore loin de ces réalisations, mais les avions du futur se conçoivent aujourd'hui et le gain en vitesse, dix ans après le dernier vol du ConcordeConcorde, fait toujours partie des objectifs à long terme.