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Vu du motoplaneur du DLR, la vallée de la Kali Gandaki, le double sommet du Macha Puchar et, à gauche, le cirque des Annapurna. © DLR, cc by 3.0
Le 23 janvier dernier, un engin volant d'ordinaire destiné aux loisirs s'est envolé de l'aéroport de Pokhara, dans l'est du Népal, non loin du massif des Annapurna pour parcourir la vallée de la Kali Gandaki. Immatriculé en Allemagne, ce Stemme S10-VTX est un motoplaneur, c'est-à-dire un planeur doté d'un petit moteur actionnant une hélice. Celle de ce modèle est rétractable, et il peut donc décoller seul puis se transformer en planeur de bonnes performances une fois atteinte l'altitude voulue. Lorsque l'atmosphèreatmosphère se calme trop, le pilote peut de nouveau sortir l'hélice et rentrer au moteur.
Le motoplaneur est venu en vol depuis l'Allemagne après un long périple de deux semaines, et est arrivé à Katmandou le 11 novembre 2013. Il ne s'agit pas de l'exploit de pilotes aventureux, mais d'une expérience à laquelle participe le DLR (Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt, ce qui signifie à peu près « Centre allemand pour les moyens aériens et spatiaux »), l'agence spatiale allemandeagence spatiale allemande qui s'occupe également d'aéronautique.
Au centre, le mont Everest, alias Chomolungma, observé depuis le motoplaneur Stemme S10-VTX, avec le Lhotse à droite (sommet à 8.516 m). Sous l'aile de l'appareil, on distingue le « pod » qui abrite le système de caméras Macs. Les images enregistrées durant le vol sont ensuite traitées sur ordinateur pour réaliser une cartographie 3D. Il s'agit ici d'une expérimentation. © Klaus Ohlmann
Essais de cartographie 3D en montagne
L'expérience se déroule actuellement dans la chaîne de l'Himalaya avec ce motoplaneur équipé d'un ensemble de caméras, le MacsMacs (Modular Aerial Camera System), installé sous les ailes. Avec ses objectifs, ce système peut filmer vers le bas en trois dimensions avec un angle de vision de 120°. La résolutionrésolution typique (dépendant des conditions et de l'altitude) est de 20 cm.
Pour tester cette caméra 3D, un relief montagneux semblait idéal. Le DLR a pu profiter de l'expérience unique du projet MWP (Mountain Wave Project). Créé en 1998 par René Heise et Klaus Ohlmann, météorologistes et pilotes de planeur, ce projet est né au sein de l'Ostiv (Organisation scientifique et technique internationale du vol à voilevol à voile), qui s'est donné pour but d'exploiter les planeurs dans le domaine professionnel.
Exemple de cartographie réalisée dans les Alpes autrichiennes avec le système Macs. Elle donne une vue précise des glaciers et du relief. © DLR, cc by 3.0
Les premiers essais en vol ont eu lieu dans les Alpes autrichiennes en août 2013. Le système Macs avait auparavant été testé dans un caisson à basse pression maintenu à très basse température (il peut faire -40 °C à 8.000 m). Après les premiers vols dans le massif des Annapurna, le motoplaneur s'est envolé le 28 janvier jusqu'à l'Everest où l'équipage de deux personnes a réussi à filmer le massif, ramenant de quoi réaliser une cartographie 3D. Le DLR a mis au point les logicielslogiciels pour transformer les images saisies par les caméras du système Macs en cartes 3D. Ces technologies sont semblables à celles utilisées pour l'imagerie spatiale.
Technologies issues du spatial
Ici, leur résolution et la restitution précise du relief serviront aux autorités népalaises à analyser les risques d'avalanches, de neige et de pierres. Les données recueillies, explique le DLR, permettront d'identifier les points faibles d'une pente et sont destinées à être intégrées à un SIG (Système d'information géographique), qui comprend aussi des informations géologiques ou d'hydrographie.
Le système Macs, avec ses caméras, regarde vers le sol et sous plusieurs angles. © DLR
Dans les régions montagneuses et notamment en Himalaya, les lacs et les glaciers sont à surveiller avec la meilleure précision possible. La région de Pokhara, par exemple, est celle de la Seti, une rivière capricieuse qui occasionne régulièrement des dégâts quand elle se gonfle brutalement et sort de son lit, ce qui se produit lors de ruptures d'un barrage naturel.
Le motoplaneur est bien adapté à la montagne où l'aérologie génère des mouvements d'air verticaux, comme l'ont remarqué depuis longtemps les pilotes de planeurs qui ont appris à en profiter. La cartographie 3D peut alors être plus précise que celle permise par les satellites. Bien sûr, le motoplaneur ne remplacera pas les moyens spatiaux, mais l'expérience népalaise du DLR démontre qu'elle peut en être complémentaire.