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L'Airbus A380 en bout de piste, prêt à décoller pour son premier vol. Crédit Airbus.
Quelques jours avant le premier vol de l'immense A380, un journaliste interviewait Claude Lelaie et Jacques Rosay, les deux hommes qui allaient bientôt arracher l'appareil au tarmac de l'aérodrome de Blagnac. Leur demandant ce qu'ils feront lorsqu'ils seront alignés en bout de piste avant l'instant historique, il s'entendit répondre laconiquement : "Je mettrai les gaz et je décollerai". Car si l'émotion envahit toujours le public lors de ce genre d'évènement, pour les pilotes d'essai, il s'agit aujourd'hui d'une simple étape dans un travail parfaitement planifié.
Ce premier vol, l'équipage l'avait déjà effectué des dizaines de fois au simulateur. Et sans aucune fantaisie, car avec un enjeu de 10 milliards d'euros (prix du développement de l'avion), l'émotion n'a pas sa place. L'objectif, c'est la perfection. Lelay et Rosay se sont ainsi partagés le premier décollage et le premier atterrissage, chacun ayant imaginé et testé toutes les procédures, tous les incidents pouvant survenir lors de ces phases critiques. Mais la simulation ne suffit pas. Un appareil identique avait été soumis à de multiples tests en grandeur nature. Baptisé l'avion 0, cet exemplaire ne comporte ni neznez, ni dérive, ni moteurs, ni train d'atterrissage.
Le test le plus spectaculaire est probablement l'essai de déflexion des ailes. Soulevées en leur extrémité, elle atteint une amplitude de 10 mètres pendant qu'un ordinateurordinateur enregistre 8000 paramètres en continu. Idem pour le fuselage, sur lequel des centaines de vérins imposent des contraintes simulant l'action des gouvernes et gouvernail de profondeur dans des conditions extrêmes, bien supérieures à ce que la cellule sera amenée à subir en vol.
Dans ces installations baptisées "salle de torture", l'appareil est ensuite soumis à des essais de vibrations. Lorsqu'une force extérieure exerce une contrainte violente à la cellule, son élasticité est censée l'amortir. Mais chaque structure possède sa propre fréquence de résonancerésonance, et si elle est mal calculée, celle-ci peut entretenir les vibrations, voire les amplifier jusqu'à la rupture. Comparable au chantchant d'un diapason, ce phénomène est nommé l'effet de "flutter". Pour ce test, l'appareil est ainsi soumis au maximum de vibrations pour lequel il a été conçu, multiplié par 1,5, valeur exigée pour la certificationcertification. Puis on ira encore plus loin, jusqu'à la rupture effective ! Ainsi, le point critique sera-t-il connu avec exactitude.
Les moteurs ont aussi droit à leur série de tests. Le Trent-900 de l'A380, fabriqué par Rolls-Royce, est un des plus puissants turboréacteursturboréacteurs jamais réalisés. Sa grande turbine, d'un diamètre de 3 mètres, tourne à une vitessevitesse de 3000 tours/minute avec une vitesse à la périphérie de 1,5 fois la vitesse du sonvitesse du son. A plein régime, elle absorbe 1,25 tonne d'airair à la seconde. Inutile de dire à ce train, tout corps étranger, gravillon, grêle, se transforme en missilemissile destructeur !
Elle est testée au "canon à poulet", un dispositif lançant des cadavres d'oiseaux à différentes vitesses afin d'étudier son comportement, mais surtout de s'assurer que les débris ne peuvent s'échapper de l'enceinte du réacteur et percer le fuselage ou une aile. Mais la plus grande crainte des techniciens reste la rupture d'une pale de turbine en vol. Un test consiste à déclencher une petite charge explosive fixée sur l'attache d'une aubeaube alors que le moteur tourne à son régime maximum. Arrachée, elle devra être "contenue", c'est-à-dire ne pouvoir s'échapper vers l'extérieur, tandis que le moteur devra pouvoir s'arrêter sans problème.
Ces essais, ainsi que de nombreux autres, renseignent techniciens et pilotes sur les possibilités d'endurance de l'avion, et fournissent un aspect réaliste de son comportement en toutes circonstances. Pour notre plus grande sécurité à tous.