L’avion solaire de Solar Impulse s’est posé hier soir au Bourget, après un long vol de seize heures, entre évitement des nuages et négociations avec le contrôle aérien. Une belle victoire pour l’équipe et un vol qui démontre brillamment les possibilités d’un avion à énergie solaire. Décryptage.

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    Il est un peu plus de 21 h 00. L'avion solaire HB-SIA se présente sur l'aéroport du Bourget après un long vol de 16 heures depuis Bruxelles et un détour par la Bourgogne, soit 674 km parcourus à la vitesse de 42 km/h. © Solar Impulse

    Il est un peu plus de 21 h 00. L'avion solaire HB-SIA se présente sur l'aéroport du Bourget après un long vol de 16 heures depuis Bruxelles et un détour par la Bourgogne, soit 674 km parcourus à la vitesse de 42 km/h. © Solar Impulse

    À 21 h 15, hier mardi, le HB-SIA s'est lentement et doucement posé sur la piste 21 de l'aéroport du Bourget, au terme d'un périple de 16 heures et 5 minutes depuis son départ de Bruxelles. C'est un plein succès pour ce deuxième vol international, après une tentative avortée samedi dernier pour cause de mauvais temps. Une réussite pour André Borschberg, le pilote, et toute l'équipe au sol de Solar Impulse, dont une partie gérait en direct la navigation depuis Payerne, en Suisse.

    Le vol illustre parfaitement à la fois les limites et les fantastiques ouvertures d'un avion solaire. L'appareil est très lent (environ 70 km/h en croisière), peu manœuvrant (son envergure dépasse 63 mètres) et contraint de voler « à vue », donc hors des nuagesnuages. Il est ainsi dépendant des conditions météorologiques. Avec une telle lenteur, un ventvent contraire fait chuter à presque rien la vitesse par rapport au sol. Il est sensible aux turbulences et préfère voler le matin ou le soir, ou encore en haute altitude, d'autant plus que naviguer sous les nuages réduit la production d'électricité. Il représente également une difficulté pour les contrôleurs du trafic aérien quand il s'agit de pénétrer dans des zones réglementées, notamment aux alentours d'un aéroport international.

    À 21 h 05, un hélicoptère a rejoint l'avion solaire qui descend doucement vers Le Bourget, au nord de Paris. © Solar Impulse

    À 21 h 05, un hélicoptère a rejoint l'avion solaire qui descend doucement vers Le Bourget, au nord de Paris. © Solar Impulse

    Ravitaillement photonique en vol

    Pour le vol d'hier, toutes ces limitations ont joué. Le contrôle de Bruxelles avait demandé un décollage tôt le matin (l'avion est parti à 5 h 10), avant le gros du trafic, tandis que celui du Bourget ne voulait pas accueillir le HB-SIA avant 19 ou 20 heures, surtout à cause du trafic sur l'aéroport de Roissy, tout proche. La météométéo était également de la partie pour compliquer la situation. Hier, le ciel était en grande partie couvert en Belgique et en France. Il a plu sur la région parisienne le matin et les masses nuageuses qui stagnaient au nord de Paris ne devaient s'évacuer vers l'est qu'en fin d'après-midi alors qu'une autre perturbation, à l'ouest, s'approchait.

    Un vol direct était donc impossible... mais ce n'est pas grave pour un avion littéralement ravitaillé en vol ! Le HB-SIA est parti avec un peu de réserve d'électricité dans ses 400 kilos de batteries, électricité puisée dans le réseau public, ce qui ne permettra pas d'homologuer ce vol comme effectué uniquement à l'énergie solaire. C'est le faux départ de samedi et le ciel couvert qui a contraint l'équipe à sécuriser le vol en chargeant un peu les batteries du bord. Après son décollage de Bruxelles, l'avion solaire s'est glissé entre les nuages pour grimper à environ 4.000 mètres et trouver le soleil. Les cellules photovoltaïquescellules photovoltaïques ont alors travaillé à plein rendement et ont commencé à charger les batteries.

    Ensuite, l'avion a slalomé entre les masses de nuages qui s'évacuaient vers l'est et celles qui arrivaient de l'ouest. Il a mis cap au sud, vers Reims, puis Troyes, au sud-est de Paris. Avec une charge de batterie qui est montée, et restée, à 100 %, André Borscherg s'est, au plein sens du terme, promené. Pendant des heures, il a zigzagué à 4.000 mètres d'altitude, sous le soleil et au-dessus de la campagne française, descendant jusqu'en Bourgogne, survolant Auxerre et frôlant Avallon.

    Sur la fin du voyage, le soleil se montre. Les batteries finiront le voyage chargées à 95 %. © Solar Impulse

    Sur la fin du voyage, le soleil se montre. Les batteries finiront le voyage chargées à 95 %. © Solar Impulse

    Le rêve du vol perpétuel

    Lorsque vint l'heure de descendre, les batteries étaient toujours à 100 %. Il était environ 17 h 00 et André Borschberg a entamé une lente descente en faisant route vers le nord-ouest avant de virer vers l'ouest, droit vers le Bourget. La luminositéluminosité baissait beaucoup, d'autant que l'avion est repassé sous la couche nuageuse. Mais au moment de l'arrivée, la charge des batteries était encore de 95 %. De quoi voler des heures encore. Solar ImpulseSolar Impulse avait déjà montré la possibilité d'un vol de nuit du 7 au 8 juillet 2010. Au moins pendant les périodes aux longues journées et aux nuits courtes, l'avion solaire, hors des limites de la résistancerésistance humaine, est donc capable de voler sans se poser durant un temps infini.

    Le HB-SIA est donc à bon port et pourra s'exposer au public du salon aéronautique, dont il est l'invité d'honneur. Bertrand PiccardBertrand Piccard, cofondateur de Solar Impulse, conclut en expliquant que l'aviation, au XXe siècle, a représenté « un symbole de progrès, d'innovation et d'esprit pionnier » et qu'elle continuera à jouer ce rôle, « promouvant l'optimisme dans la société et l'idée d'adopter des solutions pour réduire notre dépendance aux énergies fossilesénergies fossiles ».