Un vol commercial normal Toulouse-Paris a été réalisé avec un mélange de kérosène et de biokérosène mais aussi en faisant appel à une série d’optimisations, expérimentées par Air France et Airbus. Résultat : deux fois moins d’émissions de CO2. Les détails sont à décrypter...

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    Mercredi 13 octobre, le vol AF6129 de Toulouse-Blagnac à Paris-Orly  semblait normal vu de loin. Mais pas vu de près. Airbus et Air France testaient ce jour-là une série d'optimisations pour réduire les émissions de dioxyde de carbonedioxyde de carbone. Au total, elles seraient de moitié inférieures à celles d'un vol normal, soit 54 grammes par passager, expliquent les deux entreprises (voir les communiqués en bas de l'article). Dommage que la consommation de carburant ne soit pas précisée...

    Pour parvenir à ce résultat, cinq voies d'action ont été explorées, sans qu'aucune ne soit vraiment nouvelle :

    • l'allégement de l'avion ;
    • l'emploi d'un agrocarburantagrocarburant ;
    • l'alimentation électrique au sol, assurée par des groupes électriques ;
    • le roulage au sol, effectué sur un seul moteur (au lieu de deux) ;
    • l'optimisation de la trajectoire, plus directe dans le plan horizontal et plus régulière dans le plan vertical.

    Pour ce vol expérimental, l'Airbus A321 (un biréacteur monocouloir de 185 à 220 passagers) était nourri avec un mélange à parts égales de kérosène et d'un « biokérosène », c'est-à-dire un agrocarburant. Personne ne parle plus aujourd'hui pour l'aviation des biocarburants de première génération obtenus à partir du maïsmaïs ou de plantes des filières vivrières. Il s'agit ici d'un agrocarburant « issu d'huiles usagées », lesquelles ont été produites par une filière « qui n'a pas d'impacts environnementaux ou sociaux liés à l'utilisation de ressources agricoles ». Ces carburants végétaux ne réduisent pas la consommation mais le bilan carbonebilan carbone et s'inscrivent dans des stratégies à long terme pour rechercher des alternatives au pétrole. Airbus avait déjà testé, par exemple, le gaz naturel sur un A380 et des agrocarburants ont déjà été testés, de différentes provenances, comme le jatropha chez Boeing ou même de l'aquaculture.

    Peut-on encore alléger un avion de ligne ? Oui ! Air France a changé les sièges, plus légers de 4,9 kg, tout en étant plus confortables, nous rassure-t-on. Il ne s'agit donc pas de l'inquiétant siège Skyrider (cavalier du ciel), qui ressemble plutôt à une selle de cheval à dossier. Du poids a aussi été gagné sur la moquettemoquette, les armoires, les chariots... et la documentation, passée du papier à l'ordinateurordinateur. Or, on le sait, le poids est l'ennemi de l'avion, réduisant les performances et augmentant donc la consommation. Pour un seul avion, « chaque kilogramme de gagné représente 80 tonnes de CO2 économisées par an ».

    La recette du vol AF6129. Pour consommer moins et réduire vos émissions de CO<sub>2</sub> : volez le plus droit possible, un peu plus haut que d'habitude (l'air, moins dense, freine moins) et évitez les escaliers. Problème : expliquer vos intentions (louables) aux contrôleurs aériens. © Air France

    La recette du vol AF6129. Pour consommer moins et réduire vos émissions de CO2 : volez le plus droit possible, un peu plus haut que d'habitude (l'air, moins dense, freine moins) et évitez les escaliers. Problème : expliquer vos intentions (louables) aux contrôleurs aériens. © Air France

    Bientôt des moteurs électriques ?

    Au sol, il y a beaucoup d'économies à faire. Pour produire l'électricité nécessaire à l'éclairage, à la climatisationclimatisation, aux instruments mais aussi au démarrage des moteurs, les avions actuels utilisent un générateurgénérateur thermique, ou groupe auxiliaire de puissance (ou APU, Auxiliary Power Unit), qui tourne au kérosène. L'idée est de le remplacer par des batteries ou un « groupe électrique » comme sur ce vol, sans qu'Air France ou Airbus nous en disent plus.

    Le roulage au sol est aussi un secteur énergivore que l'on pourrait faire maigrir. À Roissy, avant de décoller, un A320 aura consommé environ 300 kg de kérosène (l'aéronautique ne compte pas en litres)... Boeing a déjà testé des moteurs électriques entraînant les roues du train d'atterrissage principal. Air France a fait plus simple : n'utiliser qu'un seul des deux réacteurs. Les pilotes savent le faire depuis longtemps.

    Enfin, optimiser les trajectoires en vol représente une idée dans l'air, si l'on ose dire. En 2008, Lufthansa avait commencé à expérimenter un système logiciel d’optimisation de la navigation, tenant mieux compte des aléas météométéo et des encombrements de trafic. Pour ce court vol de 1 h 20 entre Toulouse et Paris, Air France a opté pour un trajet simplifié à une altitude un peu plus élevée (34.000 pieds au lieu de 28.000, soit environ 10.000 mètres contre 8.500). Sur une route plus directe, il est aussi optimisé dans le plan vertical : une montée, un palier, une descente.

    Pourquoi n'y avoir pas pensé plus tôt ? Parce que les contraintes du trafic (il est dense au-dessus de la France) et du contrôle aérien imposent de fréquents changements de cap et d'altitude. L'espace aérien français est considéré par les pilotes comme particulièrement compliqué (voir le trajet habituel, en escalierescalier, sur l'image montrée dans cet article). Pour voler tout droit de Blagnac à Orly, Air France a dû collaborer avec la DGAC (Direction générale de l'aviation civile). Pas facile de lancer de telles négociations avant chaque vol...

    Mais le bilan est là : avant la réalisation d'appareils très différents, l'aviation pourrait à peu de frais réaliser d'énormes économies de carburant et réduire sa participation aux émissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre en agissant à plusieurs niveaux. L'expérience est donc une réussite. Just go on...