La phagothérapie consiste à utiliser des phages, c'est-à-dire des virus guérisseurs, pour lutter contre des infections bactériennes. En France, ces dernières années, des patients ont été traités par phagothérapie à titre « compassionnel ».
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La phagothérapie, inventée à Paris par Félix d'Hérelle il y a 100 ans, a quasiment disparu en France. Cette médecine consiste à utiliser des phagesphages, des prédateurs naturels des bactéries, pour lutter contre des infections. La phagothérapie est intéressante pour de nombreuses pathologies : infections urinairesinfections urinaires, staphylocoques dorés, maladies nosocomiales, infections respiratoires, ostéo-articulaires, gynécologiques...
Les phages ont été délaissés en raison de l'avènement des antibiotiques, jugés plus pratiques et plus efficaces. Mais à cause des problèmes de résistance aux antibiotiques, la phagothérapie pourrait faire son grand retour dans les pays occidentaux.
Un traitement compassionnel en France
Les préparations de phages ont longtemps été présentes en France et étaient toujours inscrites dans le Vidal au début des années 1970. Aujourd'hui, les phages sont absents de la pharmacopée européenne, mais toujours utilisés dans des pays de l'ancien bloc soviétique, comme la Géorgie et la Russie. C'est pourquoi des patients occidentaux font parfois le voyage jusqu'à Tbilissi, la capitale de la Géorgie, pour se faire soigner au centre de phagothérapie Eliava.
En France, les phages peuvent être utilisés dans le cadre d'un traitement dit « compassionnel », c'est-à-dire quand un patient risque de mourir ou d'être amputé à cause d'une infection résistante, et qu'il se trouve dans une impasse thérapeutique. En 2017, deux patients des Hospices civils de Lyon (HCL) ont ainsi été traités par phagothérapie pour des infections ostéo-articulaires. Dans ces cas-là, les médecins font un prélèvement des souches des patients, les envoient à une entreprise de biotechnologiebiotechnologie qui cherche, dans ses banques, des phages actifs contre les bactéries des patients. Il s'agit donc d'une médecine personnalisée.
Infections – le traitement de la dernière chance
Marie-Céline RayMarie-Céline Ray est l'auteur du livre Infections – le traitement de la dernière chance. Futura a souhaité en savoir plus.
- Pourquoi vous êtes-vous intéressée à la phagothérapie ?
J'ai fait une thèse de microbiologie à l'université Lyon 1 et j'ai continué à m'intéresser aux problèmes des infections et de l'antibiorésistanceantibiorésistance. Il me semble qu'il y a en ce moment une urgence sanitaire autour de la résistancerésistance aux antibiotiques. Une étude européenne vient d'annoncer qu'elle provoque 33.000 morts par an. Une solution apparaît : la phagothérapie. Ce n'est pas une médecine récente, mais elle a disparu en France (sauf par voie compassionnelle) à cause des antibiotiques, surtout après la seconde guerre mondiale.
- Le choix des antibiotiques au lieu de la phagothérapie peut-il être considéré rétrospectivement comme un mauvais choix ?
Les antibiotiques ont sauvé des millions de vies, il n'est pas question de les abandonner. D'ailleurs, l'une des possibilités serait d'utiliser les deux : les phages et les antibiotiques.
- Quel avenir entrevoyez-vous pour la phagothérapie en France ?
Aujourd'hui, en France, une entreprise de biotechnologie, Pherecydes, cherche à produire des phages. Elle s'oriente plus vers des traitements personnalisés. Les résultats d'un essai clinique sur les grands brûlés, PhagoBurn, viennent de tomber et ils étaient un peu décevants. Les chercheurs ont donné à tous les patients le même mélange de phages et se sont aperçus que ce n'était peut-être pas la meilleure stratégie.
- Espérez-vous provoquer un regain d'intérêt pour la phagothérapie avec votre livre ?
Oui, c'est l'objectif : aujourd'hui, des patients se retrouvent en impasse thérapeutique suite à des infections résistantes et vont se faire soigner en Géorgie. C'est dommage qu'ils doivent faire des milliers de kilomètres pour un traitement qu'on pourrait leur fournir en France. Donc, le but du livre est de parler de la phagothérapie, afin que l'on étudie cette solution de manière sérieuse.
- Qu'est-ce qui bloque le retour de la phagothérapie en France ?
Il y a des freins réglementaires et le problème de la production des phages. La façon dont on les produit en Géorgie ne serait pas acceptable en France. C'est pour cela que l'entreprise française Pherecydes met en place un mode de fabrication qui respecte la réglementation européenne. Je pense aussi qu'on manque de recherches dans ce domaine en France et que, pour l'instant, il n'y a pas assez d'études cliniquesétudes cliniques qui ont donné des résultats convaincants alors que les agences sanitaires veulent des preuves de leur efficacité.
Propos recueillis par Floriane Boyer.