Imaginez un monde où le simple bruit d'une mastication devient insupportable. Pour certains, cette réalité est quotidienne. La misophonie, un trouble méconnu de sensibilité aux sons, toucherait bien plus de personnes qu'on ne le pensait. Une récente étude britannique révèle des chiffres surprenants. Plongeons dans l'univers complexe de cette hypersensibilité sonore.


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    Le crissement d'ongles sur un tableau noir fait frissonner la plupart d'entre nous. Mais pour certaines personnes, des bruits bien plus ordinaires peuvent déclencher des réactions tout aussi intenses. Ce phénomène, appelé misophonie, serait plus répandu qu'on ne l'imaginait. Une étude, menée au Royaume-Uni, plubliée dans PLOSone en 2023, apporte un éclairage nouveau sur ce trouble encore mal compris.

    La misophonie : bien plus qu'une simple irritation

    La misophonie se caractérise par une hypersensibilité à certains sons spécifiques. Les personnes atteintes peuvent ressentir :

    • une irritation intense ;
    • de la colère ;
    • une détresse émotionnelle ;
    • un sentiment d'impuissance.

     Ces réactions peuvent être déclenchées par des bruits aussi anodins que :

    • la mastication ;
    • les sifflements nasaux ;
    • le ronronnement d'un ordinateurordinateur ;
    • le tapotement des doigts sur une table.

     Contrairement à une simple gêne passagère, la misophonie peut impacter significativement la qualité de vie des personnes touchées. Jane Gregory, psychologue clinicienne à l'Université d'Oxford et coauteure de l'étude, explique : « La misophonie va au-delà d'une simple irritation face à certains sons. Elle implique un sentiment de piège, d'impuissance lorsqu'on ne peut échapper à ces bruits, et peut conduire à manquer des opportunités à cause de cela ».

    La misophonie devient véritablement « pathologique » lorsqu'elle va au-delà du simple agacement face à des certains sons et qu'elle induit un sentiment de détresse, de colère ou de panique et d'impuissance pour échapper aux bruits. © Husam Cakaloglu, iStock
    La misophonie devient véritablement « pathologique » lorsqu'elle va au-delà du simple agacement face à des certains sons et qu'elle induit un sentiment de détresse, de colère ou de panique et d'impuissance pour échapper aux bruits. © Husam Cakaloglu, iStock

    Une prévalence surprenante

    L'étude menée par l'équipe de chercheurs britanniques a révélé des chiffres étonnants. Selon leurs résultats, 18,4 % de la population du Royaume-Uni serait touchée par la misophonie. Cette prévalence, bien supérieure aux estimations précédentes, soulève de nombreuses questions sur la reconnaissance et la prise en charge de ce trouble.

    Le Dr Silia Vitoratou, psychométricienne au King's College de Londres, souligne un point primordial : « Soulignons que notre étude a révélé qu'une personne sur cinq au Royaume-Uni éprouve des réactions misophoniques significatives, mais seule une petite fraction connaissait le terme ». En conséquence, moins de 14 % des participants étaient familiers avec le concept de misophonie avant l'enquête.

    Prévalence de la misophonie

    Connaissance du terme

    18,4 %

    <14 %

    Au-delà de l'agacement : les spécificités de la misophonie

    L'étude a mis en lumièrelumière deux différences majeures entre les personnes souffrant de misophonie et la population générale :

    1. L'intensité des réactions émotionnelles : bien que certains sons, comme la mastication bruyante, soient généralement perçus comme désagréables, les personnes misophoniques rapportent des sentiments de colère et de panique bien plus intenses.

    2. La sensibilité à des sons ordinaires : des bruits tels que la respiration normale ou la déglutition, généralement ignorés par la plupart des gens, peuvent provoquer une forte réaction chez les individus misophoniques.

    Ces particularités peuvent engendrer un véritable cercle vicieux. Les personnes atteintes se sentent souvent incomprises, ce qui peut mener à un sentiment de honte, d'anxiété et parfois même à un isolement social.

    Vers une meilleure compréhension et prise en charge

    La reconnaissance de la misophonie comme un trouble à part entière est cruciale. Le Dr Gregory souligne l'importance de mettre un nom sur ce phénomène : « Découvrir qu'on n'est pas seul, que d'autres personnes réagissent de la même façon aux sons, peut être un véritable soulagement. Savoir qu'il existe un mot pour décrire ce que l'on vit est libérateur ».

    L'outil d'évaluation développé par les chercheurs pourrait s'avérer précieux pour les cliniciens. Il permettrait d'identifier plus facilement les personnes souffrant de misophonie et d'adapter la prise en charge en conséquence.

    Ces découvertes ouvrent la voie à de nouvelles perspectives de recherche. Les scientifiques soulignent la nécessité d'approfondir notre compréhension de ce trouble, notamment pour déterminer à partir de quel seuil la misophonie devient véritablement « pathologiquepathologique » en termes de détresse, d'impact sur la vie quotidienne et de besoin de traitement.