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Elle est hospitalisée pour des douleursdouleurs au ventre. Quelques jours plus tard, elle fait des cauchemars horribles, a peur des insectesinsectes qui l'attaquent et ne sait plus où elle est. Le manque d'alcool la rend anxieuse et confuse. Elle souffre de delirium tremens, un symptômesymptôme dû au sevrage alcooliquesevrage alcoolique que l'on peut aujourd'hui éviter.
À trois heures du matin, l'interne de garde est aux prises avec une histoire complexe de douleur thoracique quand on lui passe un appel téléphonique qui provient du service de gastrogastro-entérologie de l'hôpital. L'infirmière lui demande de venir immédiatement. Le ton est ferme et ne souffre pas la moindre contradiction. En arrivant dans le service, le jeune médecin est guidé vers une chambre dont la porteporte ouverte laisse échapper à la fois une lumière intense et un certain tumulte : une femme entre deux âges est debout devant un lit défait.
La tunique bleue de l'hôpital qui lui sert de pyjama laisse entrevoir une maigreur inquiétante. La femme est hagarde et paraît terrorisée. Elle lève deux bras tremblants. La voix poisseuse, elle gémit : « Faut pas me laisser là... », se retourne brusquement vers le lit, considère le plafond, rentre les épaules et se met à hurler. Elle se rue hors de la chambre en bousculant le médecin au passage. Elle perd l'équilibre et s'affale dans le couloir. La voilà tremblant de tous ses membres. Son visage couvert de sueur donne l'image d'une peur panique. Elle tente d'agripper l'interne qui se penche sur elle. « Faut pas rester là... Le plafond, regardez donc... Il descend ! Il va m'écraser ! »
Le Delirium tremens entraîne délires et tremblements
Sortie de la chambre, la femme se calme. Voici son histoire : elle est âgée de 54 ans, célibataire, sans emploi, alcoolique chronique et a été admise dans le service de gastro-entérologie pour des douleurs abdominales. Au début, tout allait bien. La patiente se comportait de façon courtoise, calme et adaptée. Puis, au bout de quelques jours, elle a commencé à s'agiter et à être irritable. La nuit suivante, elle n'a cessé de se lever, à chaque fois à cause de cauchemars inquiétants qu'elle racontait à l'équipe de nuit. Dans la journée, elle paraissait préoccupée et a tenté de sortir de l'hôpital. Et, ce soir, elle n'a cessé de déambuler, se plaignant auprès du personnel du manque d'hygiène dans la chambre où elle avait vu des myriades de cafards courir sur le sol ; puis elle a vociféré contre des individus particulièrement patibulaires qui s'étaient introduits dans sa chambre et avaient disparu sous le lit dès qu'elle avait tenté de les interroger.
Le médecin de garde constate alors que la patiente souffre d'une désorientation portant sur la date et le lieu. Elle ignore où elle se trouve et confond l'hôpital avec un hôtel louche. Ses propos sont souvent incohérents et elle prétend qu'on fait tout pour lui faire perdre la tête. De temps à autre, elle désigne du doigt un coin sombre et tente de refouler un agresseur invisible. Sa tension artérielletension artérielle est élevée, son poulspouls rapide. DiagnosticDiagnostic : elle souffre de delirium tremens. On lui donne des calmants à forte dose, on la perfuse et on la couche en l'immobilisant.
Même si sa fréquence a considérablement diminué aujourd'hui grâce aux mesures préventives prises dans les hôpitaux auprès des alcooliques chroniques, le delirium tremens est connu de longue date. En littérature, Émile Zola en afflige le pauvre Coupeau, ivrogne invétéré de L'Assommoir ; au cinéma, Jensen, joué par Yves Montand dans Le Cercle rouge de Melville, est assailli dans sa maison délabrée par une armée de reptilesreptiles et d'insectes.