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La maladie des corps de Lewycorps de Lewy (ou plus précisément à corps de Lewy disséminésdisséminés) n'évoque guère de réactions auprès du grand public. Pourtant, il s'agit de la deuxième cause de « démencedémence dégénérative », après la maladie d'Alzheimermaladie d'Alzheimer. Le terme de démence qualifie un état de dégradation des facultés intellectuelles qui finit par entraîner une perte de l'autonomieautonomie.
C'est une maladie récemment décrite, dont l'histoire a cependant débuté en 1912 dans un laboratoire alors peu connu, celui d'Alois Alzheimer, le découvreur de la maladie qui porteporte son nom. Un collègue d'Alzheimer, Frederic Lewy, met alors en évidence, dans le cerveaucerveau des patients atteints de la maladie de Parkinsonmaladie de Parkinson, des dépôts protéiques arrondis, situés dans les cellules nerveuses de la substance noiresubstance noire, une zone du tronc cérébraltronc cérébral qui participe au contrôle moteur en fabriquant un neurotransmetteurneurotransmetteur, la dopaminedopamine.
Des dépôts de corps de Lewy
Le siège de ces dépôts, qui empêchent les neuronesneurones de cette région de fonctionner normalement et finissent par les tuer, explique la progression des symptômessymptômes dits moteurs de la maladie de Parkinson : raideur des membres, ralentissement des gestes, tremblement. Mais dans les décennies qui suivent, on commence à rapporter des cas de malades atteints à la fois des symptômes moteurs de la maladie de Parkinson, et de symptômes démentiels proches de ceux de la maladie d'Alzheimer. L'examen du cerveau de ces malades révèle alors des dépôts de corps de Lewy, qui débordent de la région motrice du tronc cérébral pour envahir le cortexcortex. Ces corps s'associent d'ailleurs souvent à des dépôts du peptide bêta-amyloïdebêta-amyloïde, caractéristiques de la maladie d'Alzheimer. Le terme de maladie des corps de Lewy est apparu entre les années 1960 et 1980 pour désigner cette curieuse affection, qui fait en quelque sorte l'intermédiaire entre deux maladies dégénératives a priori très différentes, la maladie de Parkinson et la maladie d'Alzheimer.
L'une des particularités de cette maladie est l'extrême variabilité de sa présentation clinique, notamment au début. Tantôt, lorsque les lésions siègent dans les régions de contrôle moteur, elle s'exprime d'abord sous la forme d'un syndromesyndrome parkinsonien (avec les troubles des mouvements), tantôt, quand les lésions sont surtout corticales, on note plutôt des manifestations cognitives anormales - troubles de la mémoire récente, voisins de ceux rencontrés dans la maladie d’Alzheimer, difficultés d'orientation dans l'espace ou troubles visuels avec hallucinationshallucinations, comme chez Madame L. De surcroît, les symptômes fluctuent dans le temps : un jour, le patient semble avoir perdu ses facultés et souffre de nombreuses hallucinations, le lendemain il paraîtra tout à fait normal.
Normal un jour, délirant le lendemain
Plus récemment furent décrits des troubles du comportement au cours du sommeilsommeil, et plus particulièrement durant le sommeil paradoxalsommeil paradoxal, riche en rêves. Normalement, durant ce stade de sommeil, les muscles sont bloqués, si bien qu'une personne en train de rêver reste parfaitement immobile. Dans la maladie des corps de Lewy, au contraire, il peut arriver que le système de blocage moteur soit défaillant, au point que les patients conservent une activité musculaire durant leurs rêves. S'ils rêvent qu'ils sont attaqués par un ennemi ou un monstre, ils cherchent à se défendre, se dressent sur leur lit ou prennent la fuite.
Outre leur caractère impressionnant, ces comportements peuvent être à l'origine de tentatives d'agression involontaire ou de blessures sur le conjoint durant le sommeil. Avec le temps, les déficits cognitifs et les troubles d'allure psychiatriques (qui peuvent comporter des accès d'agitation ou de confusion, accompagnés d'une perte de repères) deviennent de plus en plus permanents. Les diverses manifestations des symptômes sont directement liées à la répartition des corps de Lewy. Ainsi, lorsque ceux-ci se trouvent dans la région de l'hippocampe, on observe des troubles de la mémoire ; s'ils sont localisés dans les aires visuelles associatives de la partie postérieure du lobe temporaltemporal, les patients sont victimes d'hallucinations ; si les corps de Lewy se concentrent dans la région pariétale droite responsable de l'analyse spatiale, les patients ont des difficultés à s'orienter.
La dernière particularité de cette affection aux multiples facettes est une sensibilité unique aux neuroleptiquesneuroleptiques. Une dose, même unique, de ces médicaments entraîne une aggravation spectaculaire - ou l'apparition - de symptômes de type parkinsonien qui peuvent être aussi graves que dans le cas de Madame L. On admet que ces médicaments exercent une action antidopaminergique dont l'effet se cumule avec ceux des lésions de la substance noire, pour provoquer un syndrome de Parkinson aigu. Pour aider les praticiens à porter plus facilement le diagnosticdiagnostic de maladie des corps de Lewy, des critères ont été élaborés en 1996, puis en 2005, par un collège de spécialistes.
Quelle est la cause de la maladie des corps de Lewy ? Comme pour la plupart des maladies neurodégénératives, elle reste mystérieuse. Les substances protéiques qui composent les corps de Lewy sont principalement la synucléine, une protéineprotéine présynaptique dont la fonction exacte reste inconnue, mais qui pourrait intervenir dans les phénomènes de plasticité synaptique, et l'ubiquitineubiquitine, qui intervient dans les mécanismes de dégradation des protéines. Les dépôts provoquent la mort des neurones, et, par conséquent, une carencecarence en molécules (surtout la dopamine et l'acétylcholineacétylcholine) normalement fabriquées par ces neurones. C'est pourquoi on traite ces patients avec des médicaments qui augmentent la concentration de ces molécules dans le cerveau. C'est probablement dans cette direction que seront apportées des améliorations dans le traitement des patients.