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Le célèbre gynécologuegynécologue David Elia a accepté de répondre aux questions de Futura-Sciences sur la ménopauseménopause. Complications, traitements, recherche... Voici ses réponses.
La ménopause c'est l'arrêt définitif du fonctionnement des ovairesovaires dans leur processus de fabrication des ovulesovules et des hormoneshormones. © Ezume Images, Shutterstock
Futura-Sciences : À quoi la ménopause correspond-elle d’un point de vue physiologique ?
David Elia : C'est l'arrêt définitif du fonctionnement des ovaires dans leur processus de fabrication des ovules et des hormones (qui regroupent les œstrogènesœstrogènes et la progestéroneprogestérone). La ménopause débute en moyenne vers 50 ans. Cependant, le processus s'enclenche plusieurs années avant, ce qui explique que passé la quarantaine, les femmes ont toujours leurs règles mais la fertilité diminue.
Qu’en est-il des hommes ? Sont-ils touchés par un phénomène similaire ?
David Elia : Non. Chez les hommes, il n'y a pas d'arrêt de la production de spermatozoïdes. En revanche, on constate une diminution de la quantité d'hormones et une lente dégradation de cette fonction au fur et à mesure que le temps passe. Mais il n'y a pas d'équivalent de la ménopause. D'un point de vue scientifique, pour le moment on ne l'explique pas.
Interview du docteur David Elia, gynécologue et auteur de nombreux ouvrages sur la ménopause. © Dr David Elia
Mis à part les symptômes habituels, existe-il des complications liées à la ménopause ?
David Elia : Les symptômessymptômes connus englobent les bouffées de chaleur, les suées et ceux moins connus regroupent l'altération du sommeilsommeil, des douleursdouleurs articulaires persistantes, une diminution de la libidolibido ainsi qu'une sécheressesécheresse de la peau et du vaginvagin (ce qui implique des douleurs lors de rapports sexuels). Mais rares sont les femmes qui souffrent de tous ces symptômes en même temps. Le plus souvent, elles subissent deux voire trois symptômes. Le caléidoscope est large entre celles qui n'ont pas de symptômes (elles sont estimées entre 10 % et 15 %) et celles qui ont tout.
D'autre part, il existe deux complications majeures qui peuvent survenir après la ménopause mais qui ne revêtent pas de caractère obligatoire. D'un côté, les artèresartères et le cœur perdent l'effet protecteur des hormones, de l'autre une décalcification osseuse peut s'enclencher. Les os peuvent péricliter et devenir plus vulnérables lors de la disparition des hormones. On enregistre alors davantage de fractures du poignet, des lombaires ou du col du fémurfémur, notamment. Mais là encore, cela dépend du capital osseux de départ de chacune des femmes. L'hérédité joue un rôle important. Cette dégradation s'étend sur quinze ou vingt ans.
Concernant la prise de poids, les femmes prennent en moyenne une dizaine de kilos entre 18 et 50 ans, au gré de l'âge et des grossesses. Or, en période de ménopause, cette prise de poids est estimée à seulement 1 à 3 kgkg de plus. La ménopause ne marque pas spécialement de pic de prise de poids, contrairement à une idée reçue.
Les femmes doivent-elles toutes prendre un traitement ?
David Elia : Non. La difficulté de la médecine est de gérer les cas spécifiques qui se présentent à elle. Elle s'adresse à un individu unique et particulier et non à une population entière. D'autre part, les recommandations officielles concernant le traitement plaident pour une durée équivalente à celle des symptômes. Si ces derniers s'avèrent gênants dans la vie quotidienne, alors il faut continuer à le prendre ou l'arrêter si la patiente observe elle-même une disparition des symptômes sans traitement.
Qu’est-ce que l’hormonothérapie bio-identique ?
David Elia : Depuis une trentaine d'années, en France, les experts français préconisent des traitements par voie cutanée comme les timbres et les gelsgels à base de progestérone. Cette position a d'ailleurs été confortée par la parution des dernières études faites à ce sujet. Il s'agit d'œstrogènes féminins (et non pas d'origine animale), synthétisés en laboratoire : les 17 bêtabêta-œstradiol. S'ils sont associés à la progestérone identique ou la dydrogestérone, il n'y a pas d'augmentation du risque de cancer du seincancer du sein. Dans tous les cas, les traitements se dosent et s'équilibrent de façon individuelle, en fonction des besoins réels de la femme.
Il y a eu de nombreuses polémiques dans le passé liées au traitement de la ménopause, qu'en est-il aujourd'hui ? Où en sommes-nous par rapport aux risques accrus de cancers du sein et de l'utérusutérus ?
David Elia : La recherche a avancé et l'on note qu'entre 50 et 65 ans, il n'y a pas de risque cardiovasculaire augmenté avec ces traitements. C'est la molécule de progestérone qui peut entraîner des complications comme le cancer du sein mais là encore cela dépend de celle qui est utilisée. Par exemple, la molécule de progestérone ou la dydrogestérone ne provoque pas d'augmentation du risque de cancer du sein dans l'étude de l'Inserm E3N.
Quels sont les traitements alternatifs disponibles aujourd’hui ?
David Elia : Il n'y a pas grand-chose car tout dépend des symptômes. Concernant la sécheresse vaginale, on proposera un traitement à base d'ovules hormonaux ; pour les bouffées de chaleur, jusqu'ici il était préconisé un traitement contenant des isoflavones de sojasoja mais il est devenu persona non grata pour les autorités sanitaires en 2005. Aujourd'hui, il est très peu utilisé. Toutefois, un produit différent est apparu, il s'agit du traitement Sérélys, un complément alimentaire, vendu en pharmacie. Il est fait d'extraits de pollenspollens de fleurs (dénué d'allergènesallergènes) et lutte contre les bouffées de chaleur et les suées. On constate 70 % d'amélioration. Il faut attendre à peu près deux mois pour savoir si une patiente répond favorablement ou pas à ce traitement. Ensuite, selon les autres symptômes, les médecins prescriront des médicaments déjà existants. Par exemple, contre la dépression, la patiente utilisera des antidépresseursantidépresseurs et contre l'ostéoporoseostéoporose, nous avons à notre disposition trois médicaments efficaces qui agissent sur la déperdition osseuse.
Où en est la recherche sur les nouveaux traitements ?
David Elia : Ce qui semble se profiler d'ici 2015-2016 est l'association d'œstrogènes et d'un anti-œstrogène (famille des SERM), des molécules aux effets protecteurs sur certains organes. Tel est le cas notamment vis-à-vis du cancer du sein et de l'utérus. Ces perspectives donnent bon espoir mais il faut rester prudent.
Quelle est la prochaine étape à franchir pour la science dans l'accompagnement des femmes en période de ménopause ?
David Elia : Les chercheurs mettront en place une nouvelle génération de médicaments et, s'ils sont bien tolérés par les patientes, ils peuvent sans conteste détrôner les thérapiesthérapies actuelles. Il faut demeurer vigilant car, comme dans tout traitement, il faudra trouver un équilibre entre les avantages et les inconvénients.