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Les souvenirs accompagnés d'une émotion forte sont souvent mieux retenus que les souvenirs d'épisodes plus banals. On se souvient mieux des « premières » : premier amour, remise de prix ou de médaille, pièce de théâtre, voyage à l'étranger. De même pour des évènements sociaux chocs, susceptibles de bouleverser les vies individuelles, appelés « souvenirs-flashsflashs » par Roger Brown et James Kulik (1977), de l'université d'Harvard.
La recherche de Brown et Kulik sur les « souvenirs-flashs » est inspirée par l'enquête d'une revue (de type Paris Match) demandant à des personnalités ce qu'elles faisaient et où elles étaient lorsqu'elles ont appris l'assassinat du président Kennedy. Les souvenirs sont généralement très précis. Julia était dans la cuisine et mangeait de la soupe, Billy était sur le parcours de golf, Philippe faisait une course de rallye, etc.
Le phénomène avait déjà été remarqué par Charles Blondel (1934), qui se rappelait avoir composé au concours général un lundi, Sadi Carnot ayant été assassiné un dimanche. Leur idée est que, de même que le flash met en lumière la scène photographiée, un évènement public exceptionnel rehausse un évènement personnel.
Les souvenirs accompagnés d’une émotion forte, notamment tragique, sont souvent mieux retenus que les souvenirs d’épisodes plus banals. L’émotion est comme un flash qui illumine la scène dans le cerveau émotif et améliore l’enregistrement du souvenir. © LiliGraphie, Shutterstock
Les souvenirs-flashs
Les souvenirs-flashs sont donc les souvenirs des circonstances qui coïncident avec la nouvelle d'un évènement public important. Ainsi, dans l'enquête de Brown et Kulik, 39 blancs (sur 40) et 40 noirs (sur 40) ont un souvenir-flash pour l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy.
Mais on voit l'importance politique de l'évènement selon le groupe social dans le fait que les Noirs ont plus souvent un souvenir-flash pour l'assassinat de Martin Luther King ou Malcom X, leaders noirs, et inversement pour la tentative d'assassinat de Gerald Ford (président américain) ou la mort du général fasciste espagnol Franco. De même, les enquêtes sur les souvenirs révèlent que ceux qui viennent spontanément sont souvent associés à de fortes émotions. Pourquoi ?
La mémoire, les émotions et l'amygdale
Le neurobiologiste américain Joseph LeDoux (1994) a éclairé cette question en montrant que dans le cerveaucerveau, près de l'hippocampehippocampe qui est l'enregistreur de notre mémoire, est attachée une autre structure : l'amygdale (ne pas confondre avec les amygdales qui sont dans la bouche). L'amygdale a pour fonction de dire au cerveau si l'évènement est bon (positif) ou mauvais (négatif). Lorsque l'évènement suscite une émotion forte (comme la colère ou la peur), des molécules spéciales sont envoyées à l'hippocampe qui enregistre mieux.
Ainsi, des expériences sur des animaux de laboratoire (souris, rat) montrent que des apprentissages associés à des chocs électriques douloureux sont plus rapides que des apprentissages positifs (nourriture), et la mémoire est également plus durable. Pour la petite histoire, Joseph LeDoux est guitariste dans un groupe de rock scientifique, les Amygdaloids !
Sans en connaître la raison, c'est ce qu'avait appliqué le père de Sacha Guitry. Ce dernier racontait qu'après avoir rencontré Sarah Bernhardt à la fin de la pièce, son père lui avait donné une gifle, sitôt sorti de la loge de la célèbre actrice. « C'est pour que tu te rappelles, mon fils, que tu as rencontré la grande Sarah Bernhardt... »