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Dans les années 1968-1969, un informaticien, RossRoss Quillian, et un psychologue, Allan Collins, travaillaient dans une société d'informatique pour la mise au point d'un logiciellogiciel de traduction de langue étrangère... Transposée du logiciel à la mémoire, leur théorie a permis de mettre en lumière la mémoire sémantique.
L'idée première de Quillian et Collins était de relier (par programme informatique) un mot d'une langue étrangère à son correspondant dans la langue native. Chaque fois que l'ordinateurordinateur rencontre dans le texte, par exemple le mot « pêchepêche », il traduit « fishing ». Oui, mais si la phrase est « pour le dessert, je voudrais des pêches Melba » ?
Qu'est-ce que la mémoire sémantique ? Le canari est jaune : on le sait car l’information « jaune » est stockée. © Terentieva Yulia, Shutterstock
Collins et Quillian ont eu alors l'idée géniale, qui aurait mérité un prix Nobel, de supposer qu'il faut un interpréteur sémantique (du grec sêmanticos, « qui signifie »)) entre le lexique d'une langue et l'autre lexique. Dans l'exemple de « pêche », l'interpréteur sémantique doit définir grâce aux mots environnants s'il s'agit du sens de la pêche aux poissonspoissons, ou au contraire du fruit. Transposée du logiciel à la mémoire, cette théorie proposait que le mot, auquel nous sommes tellement habitués, existe sous deux formes en mémoire, sa « carrosserie » dans une mémoire lexicale, alors que les significations sont dans la mémoire sémantique.
La mémoire sémantique est classée par familles : les plantes, les animaux, etc. © Bugboy52.40, CC by-sa 3.0
Dans cette théorie, les concepts (le sens d'« oiseauoiseau », le sens de « canari ») sont classés de façon hiérarchique dans une arborescence, avec les catégories générales qui se subdivisent comme dans un arbrearbre en branches de plus en plus fines, pour aboutir aux concepts spécifiques ; par exemple, « animal, oiseau, canari ».
Organisation de la mémoire sémantique
En théorie, la mémoire sémantique ne contient que des abstractions, les concepts, c'est-à-dire le sens des mots et des choses (objets, images). Dans ce modèle, la mémoire sémantique est organisée sous forme d'une arborescence économique. La compréhension se fait de deux façons. Soit elle se fait par un accès directaccès direct à l'information qui donne le sens (par exemple, on sait que le canari est jaune, car l'information « jaune » est stockée), soit par inférence (par exemple, si l'on demande si un canari a un estomacestomac, le réseau sémantique sera activé pour trouver qu'un canari est un oiseau, donc un animal, qui par conséquent doit avoir un estomac). L'information est reconstituée, déduite à partir d'informations contenues dans d'autres parties de l'arborescence. C'est le mécanisme d'inférence. L'inférence est une sorte de raisonnement, non par logique pure, mais à partir d'un réseau de connaissances.
Descartes a donc fait une grande erreur en privilégiant le raisonnement et en pensant que la mémoire est inutile. Car la puissance des inférences dépend de la richesse des connaissances stockées en mémoire.