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Que nous reste-t-il des poésies, des leçons d'histoire, des dates ou des formules ? Vous rappelez-vous qui était le fils (officiel) de Charlemagne ou du nom de la femme de Louis XV ? Et les formules de sinus et cosinus ? Non, sans doute, car l'oubli fait des ravages.
L'oubli est l'envers de la médaille de la mémoire, et ses mécanismes sont divers. La première mesure de l'oubli date des expériences de l'Allemand Ebbinghaus en 1885, et révéla que l'oubli était très rapide, de 50 % au bout d'une heure à 80 % au bout d'un mois ! Ce résultat a été maintes fois confirmé, et reflète bien ce qui se passe dans la vie courante.
Qu'est-ce que l'oubli ? Les premières mesures de la mémoire (et des mécanismes psychologiques) utilisent les premiers appareils électriques, comme l’horloge de Hipp, qui permettait de mesurer des écarts de temps au centième de seconde près. © Alain Amet, Laboratoire de psychologie expérimentale, université Rennes 2, musée de Bretagne
Cependant, les recherches récentes montrent que l'oubli n'est pas un effacement total, mais résulte en grande partie de l'échec à récupérer des informations dans le vaste stock de la mémoire. C'est ce qu'ont trouvé des chercheurs supposant que la mémoire fonctionnait comme un ordinateurordinateur ou une bibliothèque (Tulving et Pearlstone, 1966). De même que les livres sont associés à une référence qui sert d'adresse dans les rayonnages, nos souvenirs seraient munis d'indices de récupération pour les retrouver. Nombreux sont ces indices. Les noms de catégories, les titres d'un livre ou d'un cours sont des indices sémantiques. Les initiales ou les premières syllabes, ou encore les rimes sont des indices pour la mémoire lexicale.
L’oubli des connaissances apprises à l’école ou des amis d’enfance semble inévitable. Cependant, beaucoup de souvenirs sont retrouvés avec de bons indices, notamment les photos. © Pierre Petit, CC by-sa 3.0
L'oubli n'est pas une fatalité
Les images et les photos sont d'excellents indices, comme le montre l'expérience suivante. Harry Bahrick, avec Phyllis Bahrick et Wittlinger (1975), a eu l'idée très originale d'utiliser les archives d'un collège et de retrouver des étudiants de ce collège, jusqu'à 50 ans plus tard, afin de sonder leur mémoire sur les noms et les photos de leurs camarades de promotion. Alors que l'oubli est énorme, seulement 15 % des noms rappelés après trois mois, et seulement 7 % après 50 ans, la présentation des photos de camarades de classe permet de rappeler 70 % et 20 % des noms dans ces mêmes périodes (de trois mois à 50 ans plus tard).
Les noms et les visages ne sont pas oubliés pour autant, puisque la reconnaissance (choix des bons noms ou bonnes photos parmi des pièges) révèle 90 % de bonne reconnaissance de leurs camarades jusqu'à 35 ans plus tard, avec une petite baisse à 70 %, 50 ans plus tard ! En conclusion, l'oubli est beaucoup plus faible qu'il ne semble, et notre mémoire a simplement des difficultés à s'y retrouver dans les milliers d'informations que nous avons stockées au cours de notre vie.