Jean-Michel Chardigny est chercheur au centre Inra de Clermont-Theix et responsable de l'unité mixte Inra/Université de Clermont I « Nutrition Humaine ». Il coordonne le projet TRANSQUAL qui vise à étudier les effets de la consommation d'acides gras trans (AGT) sur la santé. Il a accepté de répondre aux questions de Futura-Sciences sur le sujet des maladies cardiovasculaires et des acides gras.

Attention aux graisses saturées. © Brent Hofacker - Shutterstock
Attention aux graisses saturées. © Brent Hofacker - Shutterstock

Futura-Sciences : Quelle est la part de responsabilité des acides gras dans le développement des maladies cardiovasculaires ?

Jean-Michel Chardigny : Il existe une association entre l'apport en acides gras saturés et l'hypercholestérolémie. C'est pourquoi il faut limiter sa consommation en acides gras saturés. Mais nous avons quand même besoin de ces acides gras dans notre alimentation. C'est une question d'équilibre.

Jean-Michel Chardigny, chercheur au centre Inra de Clermont-Theix. © DR
Jean-Michel Chardigny, chercheur au centre Inra de Clermont-Theix. © DR

FS : Les AGT font partie de la famille des acides gras insaturés. Quelles sont les différences entre AGT naturels (présents dans les produits laitiers) et artificiels (matière grasse hydrogénée) ?

J.-M C : Nous avons cherché à savoir si les AGT naturels et artificiels ont les mêmes effets sur l'organisme. Il a été montré que les AGT d'origine technologique conduisent à une élévation du taux de LDL-cholestérol (le « mauvais cholestérol ») et à une diminution du taux de HDL-cholestérol (le « bon cholestérol »). Ces AGT ont un effet délétère. Pour les AGT naturels, dans le cadre d'une consommation riche en laitages, il n'y a ni diminution du taux de HDL-cholestérol, ni élévation du taux de LDL-cholestérol. Par exemple, une étude récente menée au Danemark montre que les forts consommateurs de ces AGT présents dans les laitages n'ont pas un risque cardiovasculaire accru.

FS : Pourquoi les AGT naturels semblent-ils inoffensifs ?

J.-M C : Le terme d'acide gras trans (AGT) fait référence à la structure chimique de ces molécules. Les AGT naturels sont des « cousins » des AGT technologiques, mais ils n'ont pas la même composition : ce ne sont pas les mêmes molécules. Les acides gras insaturés sont des chaînes plus ou moins linéaires comprenant des doubles liaisons. Les molécules varient en fonction de la position de ces doubles liaisons. Plus précisément, les AGT technologiques sont surtout des isomères trans-9 (ayant une double liaison entre les carbones 9 et 10) et trans-10 (ayant une double liaison entre les carbones 10 et 11), alors que les AGT naturels sont en majorité des trans-11. Les AGT naturels viennent d'une hydrogénation réalisée par les bactéries du rumen des ruminants. La flore bactérienne des vaches, des brebis et des chèvres fait que l'hydrogénation est sélective.

FS : Quelles sont vos perspectives de recherche ?

J.-M C : Nous réfléchissons à de nouveaux biomarqueurs pour le diagnostic des maladies cardiovasculaires. Lorsque l'on mesure les taux de HDL-cholestérol et de LDL-cholestérol dans le sang, on a une vision partielle des phénomènes. Nous cherchons d'autres cibles intéressantes. Nous nous intéressons par exemple au « syndrome métabolique » : c'est une association de facteurs de risque, incluant le surpoids, le déséquilibre en lipides circulants, l'hypertension, les signes de prédiabète (diminution de la sensibilité à l'insuline)... De nouveaux biomarqueurs permettraient d'évaluer le risque de maladie cardiovasculaire et de diabète à partir de l'analyse du sang, de l'urine ou de la salive.

Propos recueillis le 25 février 2009 par MC Jacquier.