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Attardons-nous un instant sur cette approche "informative" du phénomène humain.
Au tout début de l'évolution (disons il y a plus de 2 milliards d'années), la vie avait acquis la structure cellulaire. La cellule est une entité par sa structure et son fonctionnement, et sa caractéristique la plus essentielle est l'immortalité. En effet, toute cellule a la potentialité de se diviser pour donner naissance à deux cellules-filles, qui feront de même et ainsi de suite indéfiniment. La mort d'un organisme unicellulaire ne peut survenir que par accidentaccident. L'information génétiquegénétique que possède une cellule est ainsi indéfiniment transmise à sa descendance, avec éventuellement les mutations qui se produisent au moment où l'ADNADN se réplique avant de se répartir entre les deux cellules-filles.
Un peu plus tard toutefois, il y a peut-être 1,5 milliards d'années, apparaissent des organismes pluricellulaires. Ceux-ci ont pour origine un fait nouveau (et révolutionnaire!): au lieu de se séparer après la division, les cellules provenant d'une cellule-mère initiale restent solidaires les unes des autres.
C'est alors que l'évolution, invente, si l'on peut dire, la mort cellulaire. Plus exactement, l'organisme pluricellulaire se hiérarchise en deux territoires: l'un contient les cellules sexuelles, toujours potentiellement immortelles elles constituent le "germen"; l'autre contient toutes les autres cellules et celles-ci sont programmées dans leur génomegénome pour ne durer qu'un temps elles constituent le "somasoma". Seul le germen transmet désormais les informations génétiques (qu'il a reçues de la génération antérieure et auxquelles peuvent toujours s'ajouter les mutations). Le soma (les cellules conjonctives, musculaires, nerveuses, etc.) vieillit et meurt sans transmettre ni les informations reçues de la génération antérieure ni les éventuelles informations qu'il a reçues au cours de la vie .
Il faudra donc attendre la période la plus récente de l'évolution pour que le soma meure mais que l'information qu'il a pu acquérir ne soit pas nécessairement perdue (figure 1 voir plus bas). Si nous revenons à l'image d'un homme préhistorique découvrant la manière de tailler un biface, ce n'est pas par son germen qu'il va transmettre son savoir-faire à ses enfants, mais par son langage (plus tard, ce seront les livres, les universités, les médias, le web) produit de son cerveaucerveau, de ses muscles, de ses nerfsnerfs, de son larynxlarynx.
- Trois milliards et demi d'années entre le premier gènegène et la première université....
- Deux milliards d'années, ou peu s'en faut, pour que le langage triomphe de la mort cellulaire.
- Mais quelle victoire !
Bien sûr, l'individu continue à mourir (il faut bien que les êtres vivants soient programmés pour mourir; cette mort est la condition sine qua non d'une évolution biologique dont la règle est le renouvellement de la diversité dans un espace fini). Mais ce que l'individu a acquis pendant sa vie ne meurt pas, ou du moins ne meurt pas en totalité.
Mieux, le langage et tous les processus qui en dérivent (stockage et restitution différée) permettent de transmettre de l'information, non seulement aux descendants mais aussi à des individus en nombre indéterminé (et parfois immense).
Mieux encore, un individu particulier reçoit de l'information, non plus seulement des chromosomeschromosomes paternels et maternels, mais d'une quasi-infinité d'informateurs non apparentés.
La circulation de l'information par la culture prend la forme d'une toile d'araignéearaignée que le développement des techniques rend progressivement co-extensive au monde.
Le soma mortel prend par là sa revanche et cette revanche est telle que l'évolution de la culture va considérablement plus vite que l'évolution du génome. Le génome, c'est la diligence cahotant, cassant roue sur roue, bravant les éléments contraires, progressant à l'échelle du million d'années. La culture, c'est la formule 1 se jouant des chicanes, accumulant les connaissances si vite que plus aucun encyclopédiste ni aucune université ne peuvent plus tout savoir, et beaucoup s'en faut .