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Le retour à l’eau : les baleines
Parmi les critiques faites à DarwinDarwin juste après la publication de l'Origine, certaines ont consisté à caricaturer les propos du naturaliste. Le plus fameux des passages moqués est probablement celui ou Darwin se met à imaginer comment les baleines auraient pu évoluer à partir de mammifèresmammifères terrestres : Hearne a vu, dans l'Amérique du Nord, l'ours noirours noir nager pendant des heures la gueule toute grande ouverte, et attraper ainsi des insectesinsectes dans l'eau. Même dans un cas aussi extrême que celui-ci, si l'apport en insectes était constant, et si des concurrents mieux adaptés n'existent pas encore dans la région, je ne vois aucune difficulté à ce qu'une race d'ours soit rendue, par la sélection naturellesélection naturelle, de plus en plus aquatique dans leur structure et leur habitudes, avec leur bouche devenant de plus en plus grande, jusqu'à ce qu'une créature aussi énorme qu'une baleine soit produite.
Dans la dernière édition en 1872, suite probablement aux nombreuses critiques qui lui ont été faite sur ce passage, Darwin est beaucoup plus sobre : Hearne a vu, dans l'Amérique du Nord, l'ours noir nager pendant des heures, la gueule toute grande ouverte, et attraper ainsi des insectes dans l'eau, à peu près comme le ferait une baleine.
Bien que l'image d'un ours insectivoreinsectivore se transformant au fil des générations en baleines puisse prêter à sourire, la raillerie sur cette question se révèlera pourtant bien mal venue. Dans ce passage Darwin ne prétend pas expliquer la véritable origine des baleines, mais il suggère comment un animal aux mœurs terrestres aurait pu devenir aquatique en transformant, par exemple, son régime alimentaire. Sur ce dernier point, Darwin n'est probablement pas loin de la vérité lorsqu'il traite de cette transition. Et l'histoire nous est racontée une fois de plus par des fossilesfossiles découverts ces 100 dernières années.
L'animal terrestre à l'origine de la lignée des cétacés, les mammifères marins comprenant les dauphins, les baleines à dentsbaleines à dents et les baleines à fanonsbaleines à fanons, est un animal qui devait ressembler à une petite antilopeantilope forestière. Des fossiles d'un animal vieux d'une cinquantaine de millions d'années découverts dans le CachemireCachemire indien, nommé Indohyus, a cette apparence. L'examen de son squelette montre que ses os étaient épaissis afin que son corps soit plus dense dans l'eau. Il pouvait ainsi flotter entre deux eaux - comme le fond les lamantinslamantins - ou marcher sur le fond - comme le fond les hippopotames. Et comme ces derniers, peut-être se nourrissait-il à terre et allait-il dans l'eau le reste du temps ? Ou alors se nourrissait-il d'invertébrésinvertébrés et de plantes aquatiques ?
Reconstitution d’ Indohyus © Lionel Cavin
Dans cette même région du monde, au Pakistan, et des dans roches un peu plus jeunes, furent découverts les fossiles de divers animaux qui poursuivent la transition vers les cétacés. Le premier est Pakicetus, à la denture caractéristique d'un carnivorecarnivore aquatique, mais qui possédait encore quatre pattes bien développées et passait beaucoup de temps à terre. Puis il y a Ambulocetus, très aquatique et dont le museau est très allongé, Rhodocetus, au mode de vie probablement comparable à celui des morsesmorses actuels. Le stade suivant est représenté par Basilosaurus, bien connu par des fossiles nord-américains, qui était complètement aquatique mais qui possédait encore de petites pattes postérieures.
Transition vers les baleines © Florence Marteau, MHNG
Que de progrès en 150 ans ! Et finalement le scénario n'est pas si éloigné de la « petite histoire » racontée par Darwin. Certes, l'animal de départ n'est pas un ours, mais un petit animal qui se situe au sein des artiodactyles, c'est-à-dire ce grand groupe qui rassemble notamment les vachesvaches, les antilopes les chameaux, les cochons et, plus précisément pour les cétacés, les hippopotames. Tous ces animaux sont herbivoresherbivores et terrestres, ou parfois amphibies : la transition vers les baleines révélée par les fossiles paraît au moins aussi surprenante, si ce n'est plus, que la transition imaginée par Darwin entre des ours et les baleines...