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Voici les quatre bases de l'évolution :
1 - La sélection naturelle
La sélection naturellesélection naturelle est peut-être le mieux connu des quatre « moteurs évolutifs », mais c'est également elle qui génère le plus d'idées reçues. Pourtant, son concept est assez intuitif. Pour en comprendre les principes, une des façons les plus simples de procéder est de se pencher sur l'évolution des espècesévolution des espèces domestiques depuis leur domesticationdomestication.
ChiensChiens, chats, évoluent continuellement, en fonction de la sélection effectuée par les éleveurs sur la variabilité préexistante. L'espèce est ainsi fractionnée en petites sous-populations plus ou moins isolées les unes des autres par les éleveurs. Ces sous-populations finissent par se distinguer par des caractéristiques physiques propres, déterminées par les goûts et besoins des éleveurs. En éliminant de la reproduction les individus qui leur plaisent le moins, ils éliminent de la population les allèlesallèles qui codent pour les caractères qu'ils veulent supprimer. Ainsi, ils reproduisent le mécanisme de la sélection naturelle.
dessin Niki Albiane Nox licence CC by-sa 2.0
Cette sélection est souvent très lente. Voici par exemple deux photos de chats siamoissiamois, à pedigree, enregistrés à 20 ans d'écart :
On peut observer une modification du profil du visage, mais cette modification est néanmoins assez subtile, bien que nette, et s'est obtenue de façon graduelle. Pourtant, il arrive que certains allèles provoquent des modifications brutales. Ainsi, pour rester chez le chat, on connaît un allèle qui donne des pattes courtes, comme ce qui est observé pour les bassets chez les chiens. Il n'y a pas d'alternative, les pattes sont « normales » ou « courtes » (on appelle des tels chats des « Munchkins »). Une fois que l'existence de l'allèle responsable des patte courtes est révélé par la naissance d'un chaton aux pattes courtes, une sélection peut se faire rapidement (on privilégie pour la reproduction les animaux qui possèdent l'allèle).
Dans la nature, c'est l'environnement dans son ensemble, via l'écologieécologie de l'espèce, qui exerce un « tri » des allèles dans la population, au travers de leur « présentation » par les individus. Ainsi, on observe que certains individus ont moins de chances que les autres de se reproduire, car ils portent des caractéristiques qui jouent en leur défaveur. Par conséquent, ces caractéristiques sont moins représentées à la génération suivante. La fréquence des allèles liés à la capacité de reproduction se modifie donc en fonction des conditions environnementales.
2 - La dérive génétique
La dérive génétiquedérive génétique ressemble beaucoup à la sélection naturelle dans le sens où elle permet également les modifications des fréquences alléliquesfréquences alléliques à l'intérieur de l'espèce. Néanmoins, cette fois ces modifications se font aléatoirement, elles sont donc imprédictibles.
L'effet de la dérive est plus important dans les populations de petite taille, et sur les allèles neutresallèles neutres, c'est à dire ceux sur lesquels la sélection naturelle ne joue pas, ou peu.
Simulation réalisée avec le logiciellogiciel R : on part de dix gènesgènes à deux allèles, chaque allèle étant à la fréquence initiale de 0,5 puis on les laisse évoluer pendant 700 générations. Certains se fixent, d'autres disparaissent. Si l'on réitérait la simulation, l'évolution de chaque gène serait différente.
Ainsi, si on laisse deux populations identiques évoluer séparément dans des environnements identiques également, elles vont malgré tout suivre des chemins différents, car par dérive génétique elles vont simplement perdre des allèles différents, et accumuler d'une génération à l'autre de petites différences dont l'addition finira potentiellement par mener à l'isolement reproducteur (impossibilité de croisement entre les deux populations).
3 - Les mutations
Les mutations sont le moteur de création de diversité génétique. C'est sur la diversité génétique générée par les mutations que vont pouvoir agir la dérive et la sélection.
Pour comprendre comment se produisent les mutations, il faut se souvenir de ce qu'est l'ADNADN, le support de l'information génétique d'une cellule.
À chaque fois qu'une cellule se divise, elle doit copier son ADN afin que chaque cellule-fille en porteporte une copie. Sans ADN, la cellule ne peut pas fonctionner car il lui permet de fabriquer ses composants.
La copie, ou réplicationréplication, de l'ADN est permise par une machinerie chimique, basée sur l'action de plusieurs enzymes. Celles ci ouvrent les deux brins, font la copie, et vérifient cette copie. Néanmoins, aucune enzyme n'est fiable à 100%. Malgré le système de vérification, elles laissent passer des erreurs. À cela s'ajoutent les altérations de l'ADN causées par des agents extérieurs, dit « mutagènesmutagènes », comme les ultra-violet.
Il existe une maladie génétiquemaladie génétique qui cause une défaillance du système de vérification de la réplication, nommée xeroderma pigmentosum (voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Xeroderma_pigmentosum). Les enfants victimes de cette maladie sont donc beaucoup plus sensibles que les autres à tous les facteurs mutagènes, et risquent de développer des cancerscancers très jeunes. Ils doivent vivre dans le noir pour éviter les rayons UVUV du soleil, ce qui justifie leur nom d'enfants de la Lune.
Les mutations se produisent de façon assez régulière (ce qui a entraîné le concept d'« horloge moléculairehorloge moléculaire », énoncé par Kimura dans sa « Théorie neutralisteThéorie neutraliste de l'évolution »), mais totalement aléatoire, c'est à dire qu'il n'y a pas de lien de cause à effet entre le fait qu'une mutation soit favorable ou pas, et le fait qu'elle se produise.
4 - Les flux de gènes
Les flux de gènes entre populations d'une même espèce permettent de restaurer la variabilité génétique perdue par dérive ou sélection. En migrant d'une population à l'autre, les individus migrants permettent de réinjecter dans des populations les allèles qu'elles avaient perdus.
Conclusion
La compréhension des quatre mécanismes responsables de l'évolution permet de construire un schéma global du vivant. En extrapolant leur action sur des millions d'années, il est ainsi possible de comprendre comment des phénomènes comme l'apparition de nouvelles espèces, ou spéciationspéciation, peuvent se produire.
Schématiquement, les espèces se fractionnent en populations qui accumulent des différences génétiques, jusqu'à ce qu'il ne soit plus possible de les croiser, formant de nouvelles espèces. L'arbrearbre du vivant forme ainsi une espèce de buisson (dont certaines branches ressemblent plus à un réseau qu'autre chose, notamment chez les bactériesbactéries) dont la racine est l'ancêtre communancêtre commun à tous. Cet arbre est construit en comparant l'ADN des espèces : en retrouvant les points communs, on définit les liens de parenté (phylogéniephylogénie). Pas d'échelle dans le vivant, pas de « plus évolué que les autres », et pas de direction vers la complexité ou la pluricellularité... Un simple buissonnement par accumulation de différences.
Cet arbre n'est déjà plus tout à fait exact d'après les données actuelles. Nous savons par exemple que les champignonschampignons sont plus proches des animaux que des végétaux.
Beaucoup de questions restent en suspens au sujet de cet arbre du vivant. Tous les ans, certaines branches, brindilles, rameaux, sont remaniés, afin de les faire coller aux dernières découvertes. Mais même si l'arbre actuel n'est pas le reflet exact de la réalité, c'est la compréhension des mécanismes évolutifs de base qui permettent de l'analyser, et de le construire.
Pour plus de détails, n'hésitez pas à vous plonger dans la bibliographie, ou ici (http://www.ilv-forge.net/liv_evolution/)