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    La microbiologie est la science qui étudie les microbesmicrobes, et en particulier les bactériesbactéries. Science récente, puisqu'elle date du milieu du XIXe siècle, elle a eu un développement irrégulier.

    Un danger : l'apparition de bactéries résistantes à tous les antibiotiques connus. © Stevepb, Pixabay, DP
    Un danger : l'apparition de bactéries résistantes à tous les antibiotiques connus. © Stevepb, Pixabay, DP

    Les bactéries, modèles de séquençage de l'ADN

    D'abord cantonnée aux facultés de médecine et à quelques écoles d'ingénieurs, elle a brusquement changé de statut, au milieu du XXe siècle, avec la découverte du rôle et de la structure en double hélice de l'ADN. En effet, les études sur les propriétés du génomegénome constitué par cet ADNADN étaient beaucoup plus faciles chez les bactéries que chez les organismes supérieurs, et pendant quelque vingt-cinq ans les bactéries (et surtout une espèceespèceEscherichia coli) sont devenues des « modèles » des organismes vivants, et ont permis les découvertes menant au génie génétiquegénie génétique et à la biologie moléculairebiologie moléculaire.

    La microbiologie est née au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle. Les techniques d'imagerie moderne permettent d'obtenir des images parfois esthétiques ! © Chrisharvey | <a target="_blank" href="http://www.stockfreeimages.com/">Stock Free Images</a> & <a target="_blank" href="http://www.dreamstime.com/">Dreamstime Stock Photos</a>
    La microbiologie est née au milieu du XIXe siècle. Les techniques d'imagerie moderne permettent d'obtenir des images parfois esthétiques ! © Chrisharvey | Stock Free Images & Dreamstime Stock Photos

    À leur tour ces découvertes ont rendu possible l'étude des propriétés des génomes des organismes supérieurs, et ont relégué la microbiologie au rang de science spécialisée dans un monde mineur. Sur quoi, la microbiologie s'est intéressée aux bactéries dans la nature, et a notamment réalisé les découvertes fascinantes concernant l'importance et la nature des interactions des bactéries avec leur environnement. Cela devrait, à nouveau, conduire à un changement des pratiques et des théories de la microbiologie. D'une science de « La bactérie », elle devrait se transformer en science des « rapports entre les bactéries et leurs environnements ».

    Louis Pasteur, à l'origine de la microbiologie. © Domaine public
    Louis Pasteur, à l'origine de la microbiologie. © Domaine public

    Microbiologie : difficulté de l'étude des interactions des bactéries

    Nous avons vu l'étendue et la variété des mondes des bactéries. Cela peut être leur entourage immédiat, leur microenvironnement, mais leur monde c'est aussi notre planète, leur monde c'est aussi nous-mêmes. Dans ces conditions, comment maîtriser les interactions entre les bactéries et leurs environnements, qui vont des sols, des mers, de l'atmosphère, à l'être humain, et donc à la société, tout en intégrant les techniques mathématiques et informatiques nécessaires pour suivre la dynamique de ces interactions ? C'est une véritable révolution qui est nécessaire et qui ne va pas de soi, d'une part en raison du fait que personne ne peut maîtriser toutes les connaissances qui seraient nécessaires, et d'autre part parce que les transformations de la science en techno-science auxquelles on assiste actuellement sont peu compatibles avec l'ouverture et la curiosité d'esprit que les découvertes en microbiologie rendent nécessaires. (La techno-science évoque ici l'alliance de la science et de la technologie en vue d'innovations rapides).

    Il reste donc des obstacles à franchir pour y parvenir.

    Un premier obstacle vient de ce que les interactions sont dynamiques. Or comprendre une dynamique, dans les conditions complexes, non linéaires, du monde vivant, n'est pas facile, pas intuitif. Il y faut des modèles mathématiques ou des simulations informatiquessimulations informatiques, bref, un arsenal de méthodes maîtrisées par les informaticiens, les mathématiciensmathématiciens, les physiciensphysiciens, mais restées jusqu'ici peu familières aux biologistes. Il faut donc que s'instaurent des coopérations nouvelles. Il faut aussi que l'enseignement de la microbiologie (en fait de toute la biologie) en tienne compte.

    René Thomas, professeur émérite de génétique microbienne à l'Université Libre de Bruxelles, a été le premier microbiologiste à s'intéresser à la dynamique des systèmes non linéaires. Il a mis au point une méthode mathématique (analyse logique généralisée) adaptée à la microbiologie grâce à laquelle il a pu modéliser les modifications épigénétiques de la β-galactosidase, et surtout du phage lambda chez <em>Escherichia coli</em>. Il a ainsi pu montrer l'importance décisive des boucles de rétroaction positive dans tous les processus de transformation épigénétique dynamiques. © Janine Guespin
    René Thomas, professeur émérite de génétique microbienne à l'Université Libre de Bruxelles, a été le premier microbiologiste à s'intéresser à la dynamique des systèmes non linéaires. Il a mis au point une méthode mathématique (analyse logique généralisée) adaptée à la microbiologie grâce à laquelle il a pu modéliser les modifications épigénétiques de la β-galactosidase, et surtout du phage lambda chez Escherichia coli. Il a ainsi pu montrer l'importance décisive des boucles de rétroaction positive dans tous les processus de transformation épigénétique dynamiques. © Janine Guespin

    Un deuxième obstacle consiste dans le fractionnement de la microbiologie elle-même en sous-disciplines héritées de l'histoire, et de la démarche réductionniste qui a prévalu jusqu'ici. Jusqu'à maintenant en effet, les sciences se sont développées en se spécialisant. L'accumulation de connaissances, la sophistication des méthodes et des techniques, ont contribué à morceler les disciplines en sous-disciplines de plus en plus spécialisées... Microbiologie fondamentale, écologieécologie microbienne, microbiologie environnementale, du sol, industrielle, agroalimentaire, médicale... ont fini par transformer les scientifiques en spécialistes pointus, myopes pour tout ce qui entoure leur sous-discipline. Les exigences actuelles concernant les taux de publication contribuent à accroître encore cette myopiemyopie. Redonner son unité à la microbiologie, incorporer la modélisation des dynamiques, permettrait la naissance d'une microbiologie intégrative et dynamique.

    Exemple de la résistance des bactéries aux antibiotiques

    Mais ce n'est pas encore suffisant. Prenons un exemple. Un danger grandit, actuellement, celui de l'apparition de bactéries résistantes à tous les antibiotiquesantibiotiques connus (et même à venir).

    La microbiologie fondamentale étudie les mécanismes acquis par ces bactéries, et, en général tous les mécanismes de résistancerésistance aux antibiotiques. Elle sait par exemple depuis les années 1950, que le fait de donner un seul antibiotique à la fois, augmente la probabilité d'apparition des résistances. Mais, faute d'interactions entre tous les acteurs, elle n'a réussi ni à convaincre les médecins ou les firmes pharmaceutiques, ni, inversement à comprendre les raisons de ces autres corps de métier à ne donner qu'un antibiotique à la fois. (Ni à convaincre ceux des agriculteurs qui tournent la loi et donnent des antibiotiques à leurs animaux pour les faire grossir, ni à permettre aux parents d'enfants en bas âge de prendre quelques jours de congés pour ne pas assommer tout de suite les chers petits sous des antibiotiques, etc.) Pourtant, l'enjeu est de taille, car si les bactéries multirésistantes se multiplient, on risque de voir réapparaître des maladies mortelles que l'on croyait éradiquées. La stratégie préconisée actuellement reste la fuite en avant dans la recherche de médicaments plus puissants, et plus coûteux. Et si la solution consistait à comprendre, connaître et maîtriser toutes les interactions entre les bactéries et leur environnement, en suscitant des rencontres, à tous les niveaux entre microbiologistes, médecins, parents, firmes pharmaceutiques, agriculteurs, épidémiologistes, modélisateurs... pour faire émerger en commun une stratégie de lutte contre les maladies bactériennes limitant drastiquement le danger d'apparition des hyper-résistances ?

    Travailler avec les autres disciplines

    Mais la résistance aux antibiotiques n'est de loin pas le seul sujet qui requiert de telles coopérations. Puisque les bactéries colonisent tout ce qui vit sur la Planète, et tous les lieux propices ou non à d'autres vies, la microbiologie doit pouvoir bénéficier de l'apport de multiples champs scientifiques, sur de multiples sujets tout en leur apportant en retour ses connaissances. Mais de telles rencontres prennent du temps, car, puisqu'il est évident que la somme des connaissances dans chaque domaine est trop importante pour qu'une même personne les détienne toutes, il faut apprendre à discuter ensemble, entre disciplines et cela ne se fait pas rapidement.

    Permettre aux microbiologistes d'avoir toute leur place dans la société en travaillant avec tous ceux que leur fonction ou leur vie met en prise avec l'environnement des bactéries, les philosophes des sciences ont un terme pour cela : c'est une stratégie scientifique contextualisée, prenant en compte les environnements multiples possibles du processus étudié, ainsi que les conséquences des applications sur ces environnements multiples. C'est tout le contraire de la techno-science actuelle qui n'examine qu'une seule dimension à la fois et privilégie la rapiditérapidité (par exemple qui dit bactérie pathogènepathogène dit antibiotique, s'il y a des résistances, on trouvera un autre antibiotique). C'est une stratégie qui demande du temps, mais c'est là où nous en sommes, avec l'évolution des connaissances et des technologies, c'est un changement de paradigme, et c'est un chantier qui j'espère, enthousiasmera les plus jeunes.