L'hypothèse du « homing », selon laquelle les jeunes saumons migrants, les smolts, retournent comme adultes dans leur rivière natale de façon infaillible pour se reproduire, sert souvent de base pour les modèles de dynamique des populations de Saumon atlantique. Des chercheurs de l'INRA ont montré que l'instinct de retour du saumon à sa rivière natale ne semble pas aussi strict dans le cas de rivières géographiquement proches. Des conséquences importantes en résultent, en matière de biologie et d'évolution de l'espèce, mais également en matière de dynamique des populations et de gestion de la pêche.

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    © INRA - Frédéric MarchandSaut d'un barrage par un saumon sur la rivière Oir

    © INRA - Frédéric MarchandSaut d'un barrage par un saumon sur la rivière Oir

    Sous l'hypothèse du homing, le fonctionnement des populations de Saumon atlantiqueSaumon atlantique (Salmo salar) peut se concevoir indépendamment pour chaque rivière. Des modèles sont souvent utilisés à des fins de gestion des populations, notamment pour fixer les limites d'exploitation par la pêchepêche à la ligne dans chaque cours d'eau. C'est le cas en Bretagne et en Basse Normandie, où les « totaux autorisés de capture » (TACTAC) sont définis de façon spécifique pour chaque rivière.

    Mais certains individus peuvent déroger à la règle du homing, notamment, lorsque des rivières sont proches et qu'elles ont des caractéristiques semblables : conditions environnementales, géophysiques, chimiques... Des échanges de saumons peuvent ainsi avoir lieu entre chaque population lors de la remontée des adultes sur les lieux de frai. Il est vraisemblable que les flux d'individus entre cours d'eau puissent être significatifs pour de nombreux petits systèmes fluviaux côtiers d'Europe. L'ensemble de ces petites populations qui interagissent en échangeant des individus forme ce que l'on appelle une méta-population.

    30 % des adultes perdent la mémoire

    Les chercheurs de l'INRA ont appliqué ce modèle au réseau hydrographique composé de deux fleuves, la Sée et la Sélune (Basse Normandie), qui ont un estuaireestuaire commun dans la Baie du Mont St Michel. Ils ont utilisé une série chronologique de données démographiques très riche issue du suivi des migrations d'adultes et de juvéniles dans l'Oir, un affluent de la Sélune, ainsi qu'une série de captures par pêche à la ligne réalisées dans la Sée et la Sélune. Ces données permettent d'estimer les échanges au sein de ce réseau hydrographique. Les estimations indiquent qu'en moyenne, plus de 30 % des poissonspoissons adultes perdraient la mémoire de la branche du réseau dans laquelle ils sont nés (Sée ou Sélune). Par ailleurs, en raison de la plus forte capacité de production en juvéniles de la Sée et une capacité d'accueil limitée de la Sélune, en dépit d'un bassin versantbassin versant plus grand, ces échanges sont déséquilibrés : la Sélune reçoit beaucoup plus de poissons venant de la Sée qu'elle n'en donne à la Sée.
    Concernant la gestion des stocks de saumons dans les rivières, ce travail montre notamment que les approches spatiales ne doivent plus être envisagées à l'échelle du seul bassin versant mais à une échelle plus large, ce qui devrait conduire à revoir la gestion par TAC définie pour chaque rivière.