au sommaire
Aujourd'hui, les travaux de l'équipe de Pier-Vincenzo Piazza (Directeur Unité Inserm 588 « Physiopathologie du comportement ») montrent que les comportements qui définissent la toxicomanie chez l'homme, apparaissent également chez le rat qui s'auto-administre de la cocaïne.
La toxicomanie des hommes et des rongeursrongeurs présente des similitudes étonnantes. La découverte d'un comportement de dépendance à la drogue chez ce mammifèremammifère modèle suggère fortement que la toxicomanie est une véritable maladie du cerveau qui résulterait non seulement d'une exposition prolongée à la drogue, mais aussi d'une vulnérabilité individuelle forte. Ces résultats devraient permettre de pénétrer les mystères de la biologie de la toxicomanie et, partant, d'améliorer son traitement.
L'objectif principal des chercheurs qui travaillent sur les consommations abusives de drogues est de mettre au jour les mécanismes qui mènent à la dépendance ou addiction. L'addiction ne se résume pas à la prise de drogues mais à une consommation compulsive maintenue en dépit des conséquences néfastes engendrées. Ce comportement n'apparaît que chez une faible proportion des consommateurs (15-20%) et possède les caractéristiques d'une maladie chronique, puisque la rechuterechute, même après des périodes prolongées de sevrage, est quasiment la règle (90 % environ).
Mais jusqu'alors, aucun véritable modèle n'existait chez l'animal, limitant ainsi fortement la compréhension du phénomène de dépendance. En effet, on pensait que si les animaux montrent une consommation volontaire de la plupart de drogues , la véritable toxicomanie été une spécificité de l'espèceespèce humaine.
C'est pourquoi l'équipe de l'Inserm a voulu vérifier si une addiction aux drogues pouvait être observée chez le rongeur. Pour cela, elle a étudié la consommation volontaire (auto-administration) intraveineuse de cocaïne de quelque 100 rats. Les rats, dont les mouvementsmouvements sont libres, s'auto-administrent la drogue quand ils enfoncent leurs museaux dans un trou disposé dans une des parois de leur « chambre expérimentale ».
Rongeurs : 100% consommateurs, 17% « accros »
Les résultats de ces études montrent que chez les rongeurs comme chez l'homme un comportement d'addiction se développe progressivement dans le temps. En effet, après un mois d'auto-administration aucun animal ne montre de signes de toxicomanie. Toutefois, entre le deuxième et le troisième mois d'auto-administration les trois critères testés deviennent progressivement positifs chez un certain nombre de sujets. Comme chez l'homme, seul un nombre limité de rats « consommateurs » développe un comportement d'addiction (17% pour le rat, 15 % pour l'homme). Ces rats « dépendants » n'arrivent plus à limiter la prise de drogues et sa recherche (1er critère testé), ils montrent une motivation extraordinairement élevée pour la drogue (2è critère) et continuent à s'auto-administrer la drogue malgré l'association d'une punition à la prise de cocaïne (3è critère). De plus, comme les toxicomanes, les rats qui développent un comportement d'addiction ont aussi une propension beaucoup plus élevée à la rechute, même après une période prolongé de sevrage.
Enfin, Pier Vincenzo Piazza et ses collaborateurs montrent que les comportements d'addiction du rongeur sont spécifiques et ne peuvent être imputés à d'autres différences comportementales comme l'activité motrice, une plus grande anxiété ou une consommation plus élevée de drogues. En effet, ces comportements sont identiques chez les animaux qui développent ou ne développent pas de « dépendance ».
L'ensemble de ces éléments montre qu'après une période prolongée d'auto-administration, des comportements apparentés à la toxicomanie sont observés chez une espèce animale. D'après ces résultats qui montrent des similitudes surprenantes entre l'homme et les rongeurs, les auteurs concluent que les mécanismes neuroadaptatifs induits par l'exposition chronique à une drogue et leurs conséquences sur le comportement sont conservés au cours de l'évolution. Le rat dépendant, modèle d'étude, pourrait alors permettre d'identifier les effets de la drogue spécifiquement impliqués dans l'installation de la dépendance.
Les travaux de l'équipe bordelaise suggèrent également que la « toxicomanie » n'est pas uniquement le fait d'une exposition prolongée à la drogue. Elle résulte aussi du degré de vulnérabilité de chaque individu à la dépendance. En effet, bien que tous les animaux consomment strictement la même quantité de drogue, une petite proportion d'entre eux seulement développe des comportements apparentés à la dépendance.
« Nos résultats permettent de proposer une vision unifiée de l'origine de la dépendance qui se fonde sur l'interaction entre niveau d'exposition à la drogue et degré de vulnérabilité individuelle. La toxicomanie, paraît donc avoir un statut identique a d'autre maladie du cerveau qui résultent les plus souvent d'une interaction entre un stimulus environnementale pathogène et un terrain de prédispositionprédisposition », soulignent les chercheurs de l'Inserm en conclusion.