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Le grillon est muni de longs appendices recouverts de poils, en fait des organes sensoriels. Grâce à eux, l'animal est capable de détecter l'approche de son prédateur, le terrible amblypyge. © CNRS
La grotte est parfaitement sombre. Trois personnes s'avancent prudemment dans le noir, guidées par une lumièrelumière rouge accrochée à leur front. Elles s'approchent d'une paroi, qui s'avère être couverte de grillons. Parmi eux, un animal de la taille d'une main qui ressemble à une araignéearaignée attaque brusquement. Affolés, les grillons se dispersent prestement. En écoutant parler OlivierOlivier Dangles, maître de conférencesmaître de conférences à l'Institut de recherche sur la biologie de l'insecteinsecte (Irbi), nous n'avons aucun mal à imaginer cette scène qui doit se passer actuellement à plusieurs milliers de kilomètres d'ici dans la forêt équatoriale du Gabon. Le biologiste explorateur, membre d'une équipe de trois scientifiques et d'un photographe, vient en effet de partir en Afrique pour une mission qui s'inscrit dans des programmes européens d'étude de la perception des mouvementsmouvements d'airair chez les insectes, Cicada et Cilia. Avec pour point de mire la bionique, science - très en vogue actuellement - qui a pour objet de copier la nature pour implémenterimplémenter de nouvelles technologies.
En France, sous la houlette de Jérôme Casas, l'Irbi est justement l'un des deux seuls laboratoires à s'inspirer de l'inventivité sensorielle des insectes pour proposer des solutions technologiques dans la perception de notre environnement. Un de leurs modèles favoris : le grillon, qui s'enfuit au moindre danger. Son secret ? « Il possède à l'arrière de son abdomen de longs appendices munis de plusieurs centaines de poils qui sont en réalité des organes sensoriels »,
explique Olivier Dangles. « Ces senseurssenseurs connectés à des neurones sont sensibles à d'infimes courants d'air de l'ordre de quelques dixièmes de centimètres par seconde. En lançant des influx nerveuxinflux nerveux, ils alertent l'animal de l'attaque d'un prédateur. »
Ces systèmes de détection ultra-performants ont déjà été fort bien étudiés par les biologistes sur des grillons élevés en laboratoire. Ce qui intéresse maintenant notre chercheur, c'est de les voir « fonctionner » sur des animaux dans leur milieu naturel.
Mais pourquoi partir si loin, alors que le grillon est un animal commun de nos sous-boisbois ? « Parce que le grillon vit ici dans les litièreslitières de nos forêts, milieux complexes en trois dimensions où les interactions avec ses multiples prédateurs sont difficilement observables parmi les feuilles. »
Alors qu'en zone équatoriale, le biologiste sait que certaines espècesespèces vivent dans un milieu plus simple, la paroi rocheuse des grottes, et qu'ils ont un prédateur principal, l'amblypyge. De l'ordre des arachnidesarachnides, il est un proche parent des araignées. Et comme le grillon des grottes, il est troglophile, c'est-à-dire qu'il aime vivre dans les grottes. Il possède quatre paires de pattes, et la première, longue de 10 centimètres environ, lui sert à attraper ses proies. Bref, un vrai cauchemar ! Mais Olivier Dangles entend bien observer de près les relations que l'amblypyge entretient avec le grillon et la manière dont ce dernier réagit à ses attaques.
L'autre intérêt de cette mission est de mieux connaître la diversité des invertébrésinvertébrés cavernicoles d'Afrique, mais aussi de collecter des spécimens de grillons des grottes pour pouvoir mieux les étudier. Comment ont-ils évolué par rapport à leurs cousins européens ? Ont-ils les mêmes caractéristiques physiologiques ? Leurs senseurs sont-ils plus ou moins réactifsréactifs aux mouvements d'air que ceux des grillons européens ? Voilà quelques-unes des questions qui taraudent Olivier Dangles et auxquelles il aimerait bien apporter quelques éclaircissements sur place. Pour cela, avec Dominique Pierre, chercheur, il a imaginé un dispositif pour simuler l'attaque de l'amblypyge et recréer les mouvements d'air qu'elle induit. « Avec un piston muni de pinces mécaniques, nous allons mimer ses différentes stratégies d'approche, précise le chercheur. Si cela fonctionne, nous aurons déjà une idée de l'efficacité de leurs senseurs. »
Mais il avoue que le succès de cette expérience reste très incertain. L'objectif premier reste donc de ramener des spécimens vivants en France. « Et c'est en laboratoire que nous mesurerons les mouvements des poils sous l'influence des flux d'air et la dynamique des fluides générés autour des senseurs, conclut Olivier Dangles. Avec l'idée de pouvoir identifier les organes sensoriels les plus performants pour mettre un jour au point des détecteurs de mouvementsdétecteurs de mouvements ultrasensibles à base de senseurs artificiels. »
Mais là, le biologiste cède la place aux spécialistes des MemsMems (micro-electronic mechanical systems), qui amèneront les résultats de ses recherches sur des terrains plus technologiques.
Fabrice Impériali
Contact :
Olivier Dangles
Institut de recherche sur la biologie de l'insecte (Irbi), Tours
[email protected]