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La science s'est depuis longtemps trouvée de nouveaux fonts baptismaux.
Evanouie l'époque où un adolescent du nom alors inconnu d'Albert EinsteinEinstein, qui rêvait à chevaucher la lumièrelumière, devenait, quelques années plus tard, le cristal éternel du génie humain. La science a cessé d'oniriser les rayons de luneslunes.
A présent, elle les modélise.
Au gré du monde qu'elle observe, tente de décrire, espère comprendre, la science évolue. Elle muemue en se lovant parfois pour mieux se détendre ensuite. Abandonnant derrière elle, au bon souvenir du passé, sa peau avortée, elle progresse.
Mais elle ignore les raisons de son entreprise reptatoire ; ce qu'elle sait, c'est que plus jamais elle ne pourra s'arrêter. Quel que fût son dessein originel, sur le palimpseste élimé de son histoire, on ne distingue maintenant plus qu'un mot : instinct. Instinct d'une animalité qui trop longtemps est restée enfouie ; instinct directeur, qui en coulisse tire les ficelles invisibles de son progrès.
Fin observateur, Karl Popper a en son temps saisi la nature de son inexorable marche, qui s'opère par « conjectures et réfutations ». N'en déplaise aux dogmatiques, la science hait l'immobilisme, et l'acquis lui sied mal. C'est par révolutions qu'elle procède : la copernicienne en fut une, la quantique une autre. A chaque fois, avec un dessein dual bien déterminé : expliquer et comprendre.
Si la science, à ses prémices, avait pour objet la nature, et par là même, la matièrematière, elle n'a cessé de s'en éloigner pour entrer peu à peu dans le champ de l'esprit ; si bien qu'aujourd'hui, ce serait une gageure que d'évoquer la génétique sans parler de bioéthique, de théoriser sur les linéaments de l'universunivers sans faire appel à la philosophie ou de s'immiscer dans le domaine de l'intelligence artificielleintelligence artificielle sans frôler peu ou prou celui de la psychologie. Car comment manipuler le vivant, appréhender un néant hors du temps et de l'espace, libérer un programme informatique de sa rigiditérigidité de fonctionnement, autrement qu'en s'interrogeant au préalable sur les limites du pouvoir, de la portée et de la spécificité de la pensée humaine ?
La science doit être l'affaire du plus grand nombre, en tant qu'elle est domaine privilégié de l'entendement. Elle se doit de faire réfléchir - un instant, un soir, une vie - les cervelles humaines.
Coincées sur une petite sphère bleue lancée à tout allure dans les espaces infinis de l'univers, c'est peut-être le mieux qu'elles aient à faire.
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