Des scientifiques américains viennent d'identifier dix mutations dans le génome de la variole du singe qui pourraient expliquer l'incroyable contagiosité du virus depuis le printemps 2022.
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En 2022, le monde a été confronté à plusieurs pandémies. La plus surprenante est sans doute celle de la variole du singe, maladie endémiqueendémique de certains pays d'Afrique jusqu'alors. En France, ce sont plus de 4 000 cas qui ont été confirmés depuis le printemps 2022 selon le dernier décompte de Santé publique France. Grâce aux efforts de vaccination préventive mis en place, la circulation du virus de la variole du singe a fortement ralenti depuis le mois de septembre.
Pourquoi le virus de la variole du singe a provoqué une telle pandémie en 2022 ? Une question à laquelle les scientifiques de l'université du Missouri (États-Unis) apportent des éléments de réponse importants dans une étude parue début novembre. Ils ont analysé plus de 200 séquences génomiques du virus de la variole du singe datant de 1965, des années 2000 où plusieurs flambées épidémiques ont eu lieu et enfin de 2022. Ils ont découvert plusieurs mutations potentiellement impliquées dans la pandémie de cette année.
Le complexe de réplication de l'ADN visé
Le génomegénome de la variole du singe, composé de deux brins d'ADNADN, est grand : plus de 200 000 paires de base pour près de 200 protéinesprotéines codées. Les analyser toutes aurait été trop compliqué alors les scientifiques se sont focalisés sur cinq d'entre elles, vitales pour le virus :
- la polymérasepolymérase qui réplique l'ADN :
- l'hélicasehélicase qui détricote la double hélice ;
- l'AA2R, une enzymeenzyme qui coupe les moléculesmolécules d'ADN néosynthétisées pour former les deux brins qui constituent le génome viral ;
- l'ADN glycolase qui répare les dommages à l'ADN en clivant les bases nucléotidiques abîmées ;
- et G9R, une protéine sur l'enveloppe du virus qui participe à sa fusionfusion avec la cellule hôte.
Toutes ces protéines sont importantes pour la réplicationréplication du virus de la variole du singe et forment ce que les scientifiques appellent un complexe de réplication de l'ADN. En tout, ils ont identifié dix mutations dans le complexe de réplication de l'ADN du virus monkeypox : deux concernent la polymérase, plus précisément son unité catalytique et deux G9R. Ces quatre mutations ont été observées sur toutes les séquences virales de 2022 analysées.
Des mutations à l'origine de l'infectivité accrue du virus ?
Selon les analyses, la première mutation de la polymérase a émergé en 2022 tandis que la seconde était déjà présente en 2018 et a persisté depuis. La mutation de 2022, appelée F8L, a augmenté l'affinité de la polymérase pour l'ADN. Pour faire simple, l'enzyme qui réplique le génome du virus à gagner en efficacité. Les mutations de G9R, S30L et D88N, sont aussi apparues en 2022 et semblent modifier l'interaction de G9R avec d'autres protéines du complexe de réplication de l'ADN.
“Les scientifiques ont observé des mutations sur d'autres protéines que celles du complexe de réplication de l'ADN”
Les six autres mutations sont présentes dans les séquences virales depuis 2001, puis se sont « inversées » pour être identiques à celles présentes dans les souches historiques de 1965 -- le virus de la variole du singe a été découvert en 1958. Les scientifiques notent aussi qu'ils ont observé des mutations sur d'autres protéines que celles du complexe de réplication de l'ADN, qui pourraient aussi peser leur poids dans le succès épidémique de la souche de monkeypox de 2022.
« Quand ils m'ont envoyé les données, j'ai vu que les mutations se produisaient à des points critiques ayant un impact sur la liaison du génome de l'ADN, ainsi que là où les médicaments et les anticorps induits par les vaccins sont censés se lier. Ces facteurs contribuent sûrement à l'infectivité accrue du virus. Ce travail est important car la première étape vers la résolutionrésolution d'un problème consiste à identifier où le problème se produit spécifiquement en premier lieu, et c'est un effort d'équipe », explique Kamal Singh, chercheur à l'université du Missouri et au Karolinska Institute de Stockholm.