La Haute Autorité de santé vient d'émettre un communiqué en faveur d'une troisième injection de vaccin covid-19 pour les personnes âgées de plus de 65 ans. Cette recommandation est loin de faire l'unanimité dans la communauté scientifique et médicale qui travaille sur ces problématiques.
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La Haute Autorité de santé vient de rendre un avis favorable concernant l'injection d'une troisième dose de vaccin anti-covid-19 chez les personnes de plus de 65 ans. Si l'Agence européenne des médicaments donne son feufeu vert, une campagne de rappel pourrait avoir lieu cet automneautomne en France, conjointement à la vaccination contre la grippe.
Pourquoi une troisième dose ?
D'où vient cet apparent besoin d'une troisième dose ? Il semblerait que ce soit la situation en Israël qui motive les instances de santé, étant donné l'augmentation du nombre de cas de réinfection malgré une grande partie de la population vaccinée. Pourtant, ces analyses épidémiologiques constituant un argument en faveur de la troisième dose sont loin de faire l'unanimité dans la communauté scientifique, principalement car elles sont truffées de facteurs de confusion.
Pour le professeur Antoine Flahault, épidémiologiste et directeur de l'Institut de Santé Globale, « il semble que le variant Delta n'affecte pas beaucoup l'efficacité vaccinale contre les formes sévères de Covid liées au nouveau variant. Cette très bonne nouvelle nous vient de l'expérience récente israélienne qui estime l'efficacité du vaccin PfizerPfizer-BioNTech au-dessus de 85 % chez les plus de 50 ans et au-dessus de 90 % chez les moins de 50 ans pour prévenir les cas graves conduisant à l'hospitalisation. L'efficacité vis-à-vis de la transmission et des infections bénignes pourrait être un peu abaissée contre le variant Delta ».
Un autre argument revient également, celui de la baisse des anticorps. En effet, dans le paradigme immunologique actuel, l'essentiel de la protection que nous possédons contre un pathogènepathogène réside dans notre quantité d'anticorps circulant dans le sang. Mais cet argument se heurte à un problème courant en médecine : la compatibilitécompatibilité entre des marqueurs biologiques et un état clinique.
Quelles preuves de l'efficacité ?
Croire en ce qui disent les sciences et dans les progrès qu'elles nous offrent est quelque chose de louable. Assurément, mieux vaut accorder sa confiance en des énoncés scientifiquement corroborés par des méthodes rigoureuses qu'à la première théorie venue et dépourvue de corrélats expérimentaux. En science, il est généralement admis que l'expérience possède le pouvoir de nous dévoiler le réel (alors même qu'elle ne possède pas la force logique de départager des théories). Et ce qu'il se passe actuellement, c'est que la pertinence, la sécurité et l'efficacité de cette troisième dose ne reposent que sur des bases théoriques ou sur des mesures biologiques. Aucun essai contrôlé n'a évalué ces trois paramètres fondamentaux sur ce qui nous intéresse en priorité, à savoir le risque de développer une forme grave de la maladie.
Juger l'efficacité d'un traitement sur des mesures intermédiaires n'est pas nouveau en médecine. « C'est quelque chose que l'on connaît bien en sciences médicales. Il est plus simple de réaliser des études sur des critères de jugements intermédiaires que sur des évènements cliniques. On l'a fait pour l'hémoglobinehémoglobine glyquée dans le cadre du diabètediabète ou encore le LDL-cholestérolcholestérol pour les maladies cardiovasculairesmaladies cardiovasculaires. L'efficacité est valide sur le marqueur biologique et on se rend compte des années plus tard que ça ne change rien au niveau des évènements cliniques comme le risque de décès ou d'hospitalisation », détaille Florian Zores, cardiologuecardiologue à Strasbourg. En réalité, toute la question est de savoir à quel point on peut extrapoler une efficacité sur un marqueur biologique à une efficacité clinique.
Sur la question des vaccins, Florian Zores suggère que ce n'est probablement pas le soucisouci majeur : « Il y a probablement une corrélation entre taux d'anticorps et protection conférée par le vaccin. La vraie question, c'est le gain clinique par rapport à un schéma vaccinal de deux doses, surtout chez les plus jeunes. Si la troisième dose réduit la probabilité de faire une forme grave de 0,01 % (les chiffres sont fictifs et sont utilisés à titre d'illustration pour comprendre le raisonnement, ndlr) chez des populations jeunes, mais que dans le même temps elle augmente le risque de myocardites de 5 ou 10 %, est-ce que cela est bien raisonnable d'envisager cette troisième dose ? » conclut le cardiologue.
Est-ce vraiment la meilleure stratégie contre une pandémie mondiale ?
La meilleure stratégie contre l'émergence de variants est de stopper la circulation du virusvirus. En effet, comme tous les virus, le SARS-CoV-2SARS-CoV-2 mute, bien que plus lentement que la plupart de ces congénères grâce à une enzymeenzyme corrigeant ses erreurs de réplicationréplication. Mais, en infectant des patients immunodéprimés ou un nombre considérable de personnes, la probabilité qu'une partie de son code génétiquecode génétique se modifie dans le temps augmente. En prenant en compte le fait que seulement 1,4 % de la population des pays en voie de développements présentent un schéma vaccinal complet, ne vaudrait-il pas mieux travailler à rendre possibles des communications logistiques pour faciliter l'accès aux vaccins partout dans le monde, afin de limiter la circulation du virus et donc sa probabilité de muter ?
Antoine Flahault est, pour l'instant, défavorable à cette troisième dose : « Les dirigeants politiques se débattent avec la pandémiepandémie, et dans les pays riches, ils auront l'impression de "faire quelque chose" pour leur peuple avec cette 3e dose, et espèrent éviter de nouveaux confinements, mais sans, bien sûr, aucune preuve à ce sujet. D'abord, vaccinons toute la population éligible partout dans le monde à commencer par chez soi. D'abord, maintenons le niveau le plus bas de transmission communautaire. D'abord, sécurisons les écoles, les transports et tous les lieux clos ».
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