Dans les compétitions importantes, tous les sportifs, peu importe leur culture d’origine, exultent de la même façon en cas de succès. Cette attitude triomphante révèle en réalité un comportement de domination, ce qui suggère que nous aurions un besoin inné de hiérarchie.

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    Lever les bras, le regard vers le ciel... Lorsqu'un sportif de haut niveau remporte son épreuve, il a souvent un geste qui marque son triomphe. Une étude publiée dans Motivation and Emotion et portant sur des judokas suggère que ce comportement relèverait de l'inné plutôt que du culturel.

    Le contexte : le sport, un mélange des cultures

    Pour se construire, un individu a besoin d'une éducation, celle-ci reposant en général sur des préceptes propres à la culture de laquelle il est issu. La culture est une composante très variable à travers les peuples et les âges. Par exemple, certaines prônent la hiérarchie et débouchent sur des castescastes alors que dans d'autres, on tend vers l'égalitarisme.

    Ces différences culturelles se révèlent lors de rencontres organisées à l'échelle mondiale, comme le sport peut nous offrir. Alors des psychologues, comme David Matsumoto et Hyisung Hwang, de l'université d’État de San Francisco (Californie, États-Unis), profitent de ces occasions pour observer dans le comportement des athlètes des attitudes qui relèveraient de l'inné (intrinsèque) ou de l'acquis (culturel). Par exemple, en novembre dernier, ils ont montré que les judokas issus de pays où l'on accorde beaucoup d'importance au statut social se montrent les plus expressifs lorsqu'ils gagnent.

    Faut-il en déduire pour autant que les manifestations comportementales qui suivent directement un succès relèvent uniquement de la culture ? Négatif, si l'on analyse leur dernière publication.

    L’étude : les vainqueurs rappellent toujours la hiérarchie

    Cette recherche a porté sur l'attitude des judokas vainqueurs lors des confrontations olympiques et paralympiques (pour les sportifs en situation de handicaps, et ici atteints de cécité). Les chercheurs ont scruté les premiers mouvementsmouvements des athlètes dans les tout premiers moments suivant l'annonce de leur succès. Objectif : déterminer si le corps exprime le triomphe, considéré comme une attitude de domination.

    Le judoka français Teddy Riner, ici en kimono bleu, lève les bras après avoir mis son adversaire allemand Andreas Tölzer à terre et remporté le titre de champion du monde des poids lourds. Cette célébration du succès, considérée comme une marque de domination, serait universelle plutôt que culturelle. © XIIIfrom TOKYO, Wikipédia, cc by sa 3.0

    Le judoka français Teddy Riner, ici en kimono bleu, lève les bras après avoir mis son adversaire allemand Andreas Tölzer à terre et remporté le titre de champion du monde des poids lourds. Cette célébration du succès, considérée comme une marque de domination, serait universelle plutôt que culturelle. © XIIIfrom TOKYO, Wikipédia, cc by sa 3.0

    Pour cela, les poings levés au-dessus du niveau des épaules, les mains venant frapper un torse bombé, ou un regard vers le ciel le sourire aux lèvres étaient autant de manifestations d'un ascendant hiérarchique. L'intensité des gestes était évaluée par une note s'étalant sur une échelle de 1 à 5.

    Les pratiquants de l'art martial nippon exultent tous, quelle que soit leur culture d'origine, et ce dans un laps de temps très court et avec des moyens d'expressions universels. Même chez les judokas aveugles. Les auteurs suggèrent donc que la manifestation du triomphe constitue une composante innée de notre comportement, de la même façon que de nombreuses espècesespèces animales arborent une attitude marquant la hiérarchie dans certaines situations, qui souvent donne l'illusion d'un corps plus imposant.

    L’œil extérieur : des cultures de la domination

    Ce travail suggère que nous avons le besoin inné d'établir un ordre hiérarchique dans notre société, d'après David Matsumoto. Cela se manifeste de multiples façons dans d'autres circonstances : celui qui crie le plus fort lors d'un débat par exemple. Cependant, il semble que les peuples vivant dans des cultures qui confèrent une place plus importante au pouvoir recourent plus fréquemment aux expressions corporelles associées à la domination.

    Mais quelques objections sont possibles. D'abord, chaque discipline sportive dispose de sa propre culture. Ne dit-on pas par exemple que le football est un sport de gentleman pratiqué par des voyous, tandis que le rugby est un sport de voyous pratiqué par des gentlemen ? Le judo aussi a des valeurs : il repose sur le respect de son adversaire, puisque les deux lutteurs se saluent avant et après le combat. Si chaque nation aborde la technique différemment, certaines notions sont inéluctablement partagées.

    Enfin, le sport se pratique à différents niveaux d'intensité et de pratique. Les Jeux olympiques ne sont accessibles qu'à une élite, tous éduqués pour devenir de véritables athlètes, prêts à tous les sacrifices pour atteindre les sommets de leur discipline. On leur a inculqué la même culture : celle de la gagne.