Durant trois jours, 56 coureurs de l’extrême ont réalisé le premier ultra-trail à vocation scientifique. Bardés de capteurs biométriques, ils ont parcouru 156 kilomètres et subi tous les 26 kilomètres une batterie de 40 tests et examens médicaux. Les chercheurs de 16 laboratoires ont pu collecter de nombreuses données pour en savoir plus sur l’adaptation des organismes et les conséquences sur la santé de cette pratique sportive. Reportage.
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5, 4, 3, 2, 1 ! C'est parti ! 56 coureurs de l'extrême s'élancent dans le décor majestueux de la Suisse Normande à Clécy pour un ultra-trail de 156 kilomètres avec 6.000 mètres de dénivelé positif. Il ne s'agit pas d'une course comme les autres. Les finalistes n'auront pas de médaille et ne seront pas classés. Ils sont venus pour faire avancer la science. Du 11 au 14 novembre, ces 56 ultra-traileurs aguerris, dont 13 femmes, ont mis leur corps et leur motivation à l'épreuve pour qu'une soixantaine de scientifiques issus de 16 laboratoires puissent étudier et comprendre les mécanismes d'adaptation de l'organisme pour cette pratique sportive intense. Il s'agissait également d'en savoir plus sur les répercussions sur la santé de ces ultra-trails. Il faut dire que ces courses de l'extrême ont le ventvent en poupe. Ainsi, il y aurait 300.000 ultra-traileurs en France et 4.500 trails organisés par an. Un ultra-trail, c'est au minimum une distance de 80 kilomètres. Une distance qui ne fait pas peur aux participants de cette première mondiale, puisqu'ils ont participé pour la plupart aux ultra-trails les plus exigeants, comme la Diagonale des Fou à la Réunion, ou encore l'Ultra-trail du Mont Blanc. Face au développement de cette pratique, très peu d'études scientifiques ont été réalisées. Au final, on ne sait donc pas quelles sont ses conséquences sur la santé, ni comment l'organisme de ces athlètes s'adapte.
Une première mondiale
Pour en savoir plus, tous les 26 kilomètres, chaque coureur s'est transformé en rat de labo pour passer une quarantaine de tests durant 50 minutes. Des bénévoles leur posaient des questions sur leur perception de la fatigue et des douleurs éventuelles, sur leur alimentation. Ils pratiquaient également des examens biologiques poussés, avec des prises de sang, une échographie cardiaque en 3D et du tendon d'Achille. Ils subissaient également des tests de force musculaire, de vigilance, d'équilibre. Les chercheurs ont aussi analysé la foulée et la déformation du pied via un scan 3D.
Voilà pour les arrêts au stand, mais durant la course de nombreuses données biométriques étaient également collectées par une armada de capteurscapteurs portés par les coureurs. En plus de puces accrochées aux chaussures, les traileurs portaient un gilet Hexoskin intégrant un capteur de fréquence cardiaque, de respiration, et des capteurs de vitessevitesse ascensionnelle et de cadence.
À la recherche du rythme circadien
Ils ont également avalé une gélule BodyCap capable de relever leur température centrale et de transmettre les données via BluetoothBluetooth. Une puce identique était placée sur le dosdos pour capter la température en surface. Pour les scientifiques, les variations de température corporelles mixées à d'autres données permettent d'en savoir plus sur l'évolution du rythme circadienrythme circadien propre à ces coureurs privés de sommeil.
Sur le bras, les coureurs portaient un capteur de glycémieglycémie identique à celui qu'utilisent les diabétiquesdiabétiques. Et lors des courtes périodes de repos, leur sommeil était analysé par un capteur collé sur le front.
De la recherche en dehors des labos
Ce test de l'extrême hors des labos sur des coureurs tout aussi extrêmes a été organisé par l'université de Caen-Normandie à l'initiative du maître de conférencesmaître de conférences et chercheur au laboratoire Comete Benoît Mauvieux. Il faudra attendre entre 8 et 12 mois pour obtenir des résultats consolidés qui feront l'objet de publications. Mais lors de la course, les scientifiques ont pu constater un affaiblissement musculaire dans les jambes dès les 26 premiers kilomètres. Plus impressionnant, après 156 kilomètres, l'oreille interneoreille interne qui gère l'équilibre ne répondait plus, ce qui avait pour effet d'entraîner étourdissement et nausées durant les tests.
Du côté des palmarès, le premier traileur, Jean, 32 ans, est parvenu à parcourir les 156 kilomètres de cette course en moins de 20 h. Malgré une dernière batterie de tests, il paraissait étonnamment frais. Caroline, 36 ans, est la première femme à être arrivée en moins de 26 heures. Le dernier coureur est, quant à lui, arrivé après 40 heures 30 de course. Seulement 25 % des participants ont abandonné pour des raisons de fatigue, de problèmes gastrique ou de blessures. Il s'agit de la fourchette basse, que l'on peut habituellement constater.
Alors est-ce que cette pratique sportive est bonne pour la santé ? Réponse dans un an, avec des résultats qui devraient permettre d'améliorer la préparation, la récupération et donc les performances. Des résultats qui serviront aussi dans d'autres domaines, par exemple, pour certains milieux professionnels subissant également des privations de sommeil.
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