Si la vie sexuelle d'un couple devient un long fleuve tranquille, c'est qu'un troisième larron s'est immiscé dans cette intimité : la routine qui tend à diminuer l'intérêt pour le sexe… La perte du désir dans le couple n'est pas irréversible, bien au contraire, comme nous l'explique le docteur Damien Mascret.


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    Si vous cliquez sur cet article, c'est que les troubles du désir vous intéressent, ou vous ont concerné. Les signes typiques, les raisons, les bonnes questions à se poser... Le Dr Damien Mascret, médecin généraliste et sexologue, journaliste santé, explique ce qui se passe lorsque le désir s'émousse.

    Si le toucher est un sens particulièrement actif dans la prise de plaisir, il existe bien d'autres manières de prendre son pied. L'audition est l'une d'entre elles. Reportage dans cet épisode d'INFRA. © Futura

    Perte du désir dans le couple, quels sont les signes à repérer ?

    Dr Damien Mascret : Les deux symptômes typiques de la perte du désir dans un couple sont l'absence de pensées sexuelles, « on se passe très bien du sexe ». Le deuxième signe est que les partenaires ne se considèrent plus comme des partenaires sexuels, mais plutôt comme des compagnons, des amis ou des partenaires « socioculturels ». Ils peuvent continuer de former un couple amical, parental ou social - et même amoureux - mais la dimension érotique n'existe plus. Il est possible de traverser des périodes de perte de désir, rien n'est définitif.

    On parle bien ici du désir et non pas nécessairement d'excitation sexuelle ?

    Dr Mascret : Oui, ce sont deux choses distinctes. Le désir est orienté vers quelqu'un, alors que l'excitation sexuelle n'a pas nécessairement besoin d'un partenaire réel. On peut conserver une excitation sexuelle pour des partenaires imaginés, fantasmés ou pour soi-même à travers la masturbation sans pour autant avoir envie de sexualité « relationnelle ». Dans mon livre , je me suis surtout attaché à décrire les troubles du désir, bien que la perte d'excitation puisse en être une composante. On peut en effet traverser des périodes où, pour diverses raisons (préoccupations, dépression, problèmes de santé), l'excitation sexuelle s'éteint complètement, entraînant avec elle une diminution du désir. Les deux ne sont pas exclusifs l'un de l'autre.

    Comprendre le cycle du désir permet de casser la routine d'une vie sexuelle qui ronronne. © Mikhail_Kayl, shutterstock.com
    Comprendre le cycle du désir permet de casser la routine d'une vie sexuelle qui ronronne. © Mikhail_Kayl, shutterstock.com

    Qu'est-ce qui favorise la perte du désir dans le couple ?

    Dr Mascret : La perte du désir n'est pas essentiellement liée à la duréedurée de vie du couple. Pour mieux comprendre, on doit distinguer le désir sexuel spontané du désir sexuel réactionnel.

    Le premier se manifeste par une envie directe de sexe ou de son partenaire . L'idéal est que les deux partenaires éprouvent un désir sexuel spontané pour motiver la sexualité relationnelle. En revanche, le désir sexuel dit « réactionnel » se déclenche en réponse à une proposition de l'autre partenaire. Dans ce cas, la personne réagit en évaluant sa disponibilité et son envie , qui peut naître ou non. Souvent, dans les couples, l'un des partenaires fonctionne davantage avec un désir spontané, tandis que l'autre a un désir réactionnel. Celui avec un désir spontané recharge rapidement ses « batteries du désir ».

    Cette différence peut être déstabilisante. Le partenaire en désir réactionnel (« charge lente ») doit souvent répondre à la proposition de l'autre, accepter ou refuser. Une position qui peut être inconfortable. Mais il peut cependant augmenter la charge de son désir en réaction à celle de son partenaire. De son côté, le partenaire en désir spontané peut ressentir une frustration si ses propositions sont automatiquement refusées, ce qui peut affecter sa confiance en soi et amoindrir son envie de proposer des relations sexuelles .

    Comment réagir lorsque l'on a fait le constat d'une perte de désir dans son couple ?

    Dr Mascret : Il est essentiel que les deux partenaires communiquent ouvertement sur ce sujet. Proposer n'est pas imposer, et le respect du consentement est crucial. Le partenaire en mode réactionnel ne doit pas hésiter à exprimer son absence d'envie ou à essayer même sans garantie de succès. De cette manière, il n'y aura pas de frustration pour l'un ou l'autre si le rapport sexuel doit être interrompu.

    J'ai inclus un schéma dans le livre qui détaille le déroulement du cycle du désir. C'est un support de discussion entre les partenaires. Chacun peut identifier les étapes où il rencontre des facilités ou des difficultés. Lors de mes consultations avec des couples, j'ai constaté que cette méthode fonctionnait bien. Par exemple, la phase de disponibilité peut être évidente pour quelqu'un ayant un désir sexuel spontané, mais difficile pour son partenaire qui doit se mettre en disponibilité émotionnelle et physiquephysique.

    Reconnaître ces différences permet d'améliorer la communication. Les partenaires, parfois surpris de ce qu'exprime l'autre, peuvent ainsi discuter de ce qui pourrait aider à surmonter ces obstacles. Il s'agit de comprendre soi-même son cycle du désir, le faire comprendre à son partenaire, en parler et réfléchir ensemble. Et ainsi résoudre certaines étapes qui posent problème.