La peste noire a décimé plus de 60 % de la population européenne durant le XIVe siècle. Mais d'où vient cette souche si virulente de la bactérie Yersinia pestis, et quand a-t-elle émergé ? Les scientifiques ont désormais la réponse !
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Bien avant la pandémie de Covid-19, il y a eu celle de la peste noire, la plus importante que l'humanité ait jamais connue. Causée par la bactérie Yersinia pestisYersinia pestis, la maladie a fait son entrée en Europe vers 1347 via, selon toute vraisemblance, les routes commerciales en provenance d'Asie centrale. En l'espace de sept ans, la peste noire a tué environ 60 % de la population européenne. Cette première vaguevague qui a déferlé entre 1346 et 1353 a permis l'émergenceémergence d'une multitude d'épidémies secondaires en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord qui se sont propagées jusqu'à la fin du XIXe siècle.
Remonter le temps et mettre le doigt sur l'origine de ces 500 ans d'épidémie restait un véritable défi pour les scientifiques, jusqu'à la publication récente dans Nature de nouvelles données génomiques qui permettent de localiser géographiquement et temporellement le début de l'épidémie de peste noire. Selon cette équipe pluridisciplinaire d'historienshistoriens et de biologistes, elle a commencé dans les environs montagneux du lac Issyk-Kul, situé aujourd'hui au Kirghizistan, en 1338 très précisément.
Des preuves archéologiques...
Cette conclusion est issue de preuves archéologiques et génétiques. En effet, des précédentes recherches, faites en 1886, avaient identifié des tombes datant de 1338-1339 aux abords du lac Issyk-Kul portant une inscription spécifique en syriaque - la langue parlée par ces communautés locales - interprétée comme signifiant « pestilence ». De toute évidence, une maladie a fait de nombreuses victimes dans la région quelques années avant que la peste noire n'arrive en Europe.
Cette hypothèse débattue de longue date dans la communauté scientifique s'opposait à celle, plus populaire, qui plaçait les débuts de la peste noire en Chine. « Nous avons pu enfin montrer que l'épidémie mentionnée sur les pierres tombales était bel et bien causée par la peste », assure Phil Slavin, historien à l'université de Stirling.
...et génétiques
À ces indices archéologiques s'ajoute le travail génétique réalisé par l'équipe de l'université de Tübingen et de Stirling. De l'ADNADN de Yersinia pestis a été isolé des restes inhumés dans les tombes « pestilentielles » ; phylogénétiquement parlant, celui-ci appartient à des souches qui ont émergé avant un « big bangbig bang » de diversité génétique. Un évènement qui a permis à la bactérie d'acquérir des capacités pandémiques et que les scientifiques plaçaient entre le Xe et le XIVe siècle. « Nous avons trouvé que la souche ancienne du Kirghizistan est située exactement au cœur de l'évènement de diversification massive. En d'autres termes, nous avons trouvé la souche à l'origine de la peste noire et nous connaissons même sa date exacte [l'année 1338] », explique Maria Spyrou, autrice principale de ces travaux.
Les nomades du lac Issyk-Kul se sont probablement contaminés par un contact rapproché avec des animaux porteurs de Yersinia pestis. En effet, les rongeursrongeurs sont le réservoir naturel de la peste - les humains attrapent la maladie via la piqûre de puces qui vivent sur les animaux infectés ou par contact avec un autre malade. D'ailleurs, aujourd'hui encore, la bactérie demeure à l'abri dans l'organisme des rongeurs et provoque de temps à autre des cas de peste, surtout en Mongolie et en Chine.