Un bref rapport publié par des médecins irlandais suggère que l'endothéliopathie persistante fait partie intégrante des caractéristiques physiopathologiques du Covid long. Malheureusement, l'étude manque de rigueur ce qui limite drastiquement la portée de ces résultats.
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Les syndromes inflammatoires post-infectieux ne sont pas nouveaux. Pourtant, du fait de la pandémie et du grand nombre de patients atteints, on commence enfin à les prendre au sérieux. Le syndrome du Covid long possède une symptomatologie assez précise : essoufflement persistant, fatigue, tolérance à l'exercice diminuée. À cela viennent parfois s'ajouter des maux de tête et, dans certains cas, des troubles de la coagulation conduisant à des thromboses. Comprendre la physiopathologie de ce syndrome pourrait aider les médecins à le traiter et à venir en aide aux patients qui en souffrent. Une récente étude publiée dans le Journal of thrombosis and haemostasis (JTH) tente d'apporter de nouvelles analyses concernant l'hypothèse d'une physiopathologie médiée par une inflammation de l'endothélium pulmonaire. Problème : elle souffre de biais majeurs qui limitent radicalement la portée de ses conclusions.
Les données antérieures
Plusieurs études ont suggéré qu'une personne ayant souffert de la Covid-19 sur quatre témoigne d'un taux de D-dimères (des protéines qui résultent de la dégradation de la fibrinefibrine) anormalement élevé quatre mois après la phase aiguë de la maladie. Ces résultats émanent de cohortescohortes hospitalisées et non hospitalisées. Malgré ces études, les mécanismes physiologiques conduisant à un effet procoagulant à la suite de la Covid-19Covid-19 restent mal identifiés. Cependant, quand on cherche du côté des autopsiesautopsies de patients, on constate de nombreux signes de thromboses au sein même du réseau vasculaire des poumonspoumons : fibrine, cellules de l'immunitéimmunité et facteur de coagulation. À l'aide de ces observations, plusieurs équipes ont formulé l'hypothèse d'une physiopathologie médiée par l'inflammation et la réaction immunitaire concomitante à la Covid-19.
Une hypothèse qui reste à évaluer
Les auteurs du bref rapport tentent d'apporter des arguments pour corroborer l'hypothèse en question. Mais l'étude préliminaire est truffée d'imprécisions. Premièrement, l'échantillon est faible : moins de 100 patients. Pourtant, cela n'empêche pas les investigateurs d'exprimer leurs résultats en pourcentage, une pratique assez mal vue quand on ne dispose pas d'une cohorte supérieure à 100 patients. De plus, aucune information n'est donnée concernant le recrutement des témoins, ce qui ne résout pas la question de la similarité des cas et des témoins et d'un biais de sélection potentiel. Aussi, l'étude est rétrospective. Elle ne peut aboutir, par définition, qu'à des associations statistiques et non à l'identification de causalités entre les variables. Par conséquent, le titre de l'étude est trompeur. Lorsqu'on tente d'établir la physiopathologie d'une maladie, on sait, en principe, identifier les causes et les effets. Ici, l'endothéliopathie persistante est proposée comme faisant partie de la pathogenèse du Covid long. Mais comme nous l'avons vu, de par son caractère rétrospectif, l'étude ne peut aboutir à ce type de conclusion tranchée.
Florian Zores, cardiologuecardiologue, nous a aidés à analyser les résultats plus en profondeur : « l'expérience comporte plusieurs problèmes tels que la taille réduite de l'échantillon de patients, un potentiel biais de sélection, le fait qu'elle soit rétrospective, l'analyse statistique de multiples variables et l'absence de traduction cliniques des marqueurs biologiques mesurés. Pour étudier sérieusement les effets de la Covid-19 sur le long terme, il faut conduire des études de cohortes prospectives, suivre les patients dans le temps et comparer les patients Covid et non-Covid à un instant TT du suivi. »