Non, la pandémie de Covid-19 n’est pas une simple grippette de plus. Elle a entraîné un recul sans précédent de l’espérance de vie depuis 1945, effaçant des années de progrès péniblement gagnées.


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    « Nous sommes en guerre », avait déclaré Emmanuel Macron le 16 mars 2020mars 2020 à l'annonce du premier confinement. Il ne croyait pas si bien dire. Selon une étude de l’université d’Oxford, la pandémie de Covid-19 a entraîné la plus forte baisse de l'espérance de vie depuis la Seconde Guerre mondiale. En 2020, l'espérance de vie a diminué de plus de six mois par rapport à 2019 dans 22 des 29 pays analysés dans l'étude. « Le coronavirus a effacé des années de progrès dans la baisse de mortalité dans le monde », affirment les auteurs de l'étude. Les baisses les plus importantes sont observées chez les hommes aux États-Unis et en Lituanie, où ces derniers ont perdu respectivement de 2,2 ans et 1,7 an d'espérance de vie. « Mais des réductions de plus d'une année ont été documentées dans onze pays pour les hommes et huit chez les femmes », souligne José Manuel Aburto, le principal auteur de l'étude. « Pour contextualiser, il a fallu en moyenne 5,6 ans à ces pays pour atteindre une augmentation d'un an de l'espérance de vie. Progrès effacés d'un trait au cours de l'année 2020 par la Covid-19. »

    Perte d’espérance de vie à la naissance entre 2019 et 2020, attribuable à la Covid-19 ou à d’autres causes. © José Manuel Aburto et al, <em>International Journal of Epidemiology</em>, 2021, traduction C.D
    Perte d’espérance de vie à la naissance entre 2019 et 2020, attribuable à la Covid-19 ou à d’autres causes. © José Manuel Aburto et al, International Journal of Epidemiology, 2021, traduction C.D

    Les plus de 60 ans, grands perdants de l’épidémie

    Le recul est également notable par rapport à 2015, une année où l'espérance de vie avait déjà été affectée en raison d'une épidémie de grippegrippe particulièrement meurtrière. « Le fait que nos résultats mettent en évidence un impact aussi important directement attribuable à la Covid-19 montre à quel point il a été un choc dévastateur pour de nombreux pays », atteste le Dr Ridhi Kashyap, coauteur de l'article.

    La mortalité due à la Covid-19 est plus marquée chez les hommes que chez les femmes

    La mortalité due à la Covid-19 est plus marquée chez les hommes que chez les femmes, et spécialement chez les plus de 60 ans, qui ont été les plus touchés par les formes graves de la maladie. Or, « c'était précisément ces groupes d'âge qui avaient fortement contribué à l'amélioration de l'espérance de vie de ces dernières années », observent les auteurs. Les États-Unis font toutefois exception à cette règle, dans ce pays : « c'est l’augmentation de la mortalité chez les moins de 60 ans qui a le plus contribué au déclin de l'espérance de vie », souligne José Manuel Aburto. Cela s'explique notamment par des facteurs de comorbiditécomorbidité importants chez ces groupes d'âge (diabète, obésitéobésité...). À noter que quelques pays ont tout de même échappé à ce triste destin : les femmes en Finlande et les deux sexes au Danemark et en Norvège, où l'espérance de vie a continué à progresser entre 2019 et 2020.

    Le saviez-vous ?

    En France, l’espérance de vie à la naissance en 2020 a reculé de 8 mois chez les hommes et de 7,2 mois chez les femmes par rapport à 2019, avec une espérance de vie s’établissant désormais respectivement à 79,15 ans pour les hommes et 84,94 ans pour les femmes. Sur les quatre dernières années précédentes, nous avions péniblement gagné 2,2 mois de vie en plus chez les hommes et 1 mois chez les femmes.

    Trois fois plus de morts que la grippe saisonnière

    À ce jour, on estime que plus de 4,7 millions de personnes sont décédées dans le monde de la Covid-19, dont 1,8 million en 2020. Par comparaison, la grippe saisonnière tue entre 290.000 et 650.000 personnes par an, selon l'OMSOMS. « De plus, non seulement la pandémie a directement tué des millions de personnes, mais elle a aussi contribué indirectement à augmenter la mortalité due à d'autres causes de décès, en raison par exemple du retard des traitements ou de l'évitement de la recherche de soins pour les cancerscancers ou les maladies cardiovasculairesmaladies cardiovasculaires », souligne l'étude.

    En avril, une autre étude française avait, elle aussi, calculé l'impact de l'épidémie de Covid-19 dans 65 pays, et constaté une surmortalité de 51,6 % en Amérique latine en 2019-2020, de 23,2 % en Amérique du Nord et de 17,8 % en Europe. Une étude parue dans Nature en février soulignait que la pandémie de Covid avait fait perdre 20,5 millions d'années de vie à l'humanité. Reste à savoir combien de temps il nous faudra pour nous « remettre » de toutes ces années perdues.


    Covid-19 : un million de morts « en trop » dans les pays développés

    Article de Julien Hernandez publié le 24/05/2021

    Une récente étude épidémiologique parue dans le British Medical Journal fait le point sur l'excès de mortalité attribuable à la Covid-19 en 2020 dans 29 pays développés. Selon cette dernière, on comptabilise presque un million de décès « en trop » sur cette seule année.

    Pendant cette pandémie, on a pu entendre que la Covid-19 était une « grippette » qui ne faisait pas tant de morts que ça ou alors que les personnes qui étaient décédées seraient mortes de toute façon. Une étude épidémiologique, parue dans le British Medical Journal, suggère que le nombre absolu d'excès de mortalité en 2020 à cause de la pandémie se trouve entre 945.000 et un million de personnes.

    Une évaluation globale

    Afin d'évaluer l'impact global de la pandémie sur la mortalité, les statisticiens et épidémiologistes mobilisés pour cette étude ont mesuré l'excès de mortalité en calculant la différence entre le nombre de décès toutes causes confondues, survenus au cours de la pandémie et le nombre envisagé de décès sur la base d'un historique de référence des années passées. Cela permet d'éviter certains biais méthodologiques et de prendre en compte l'ensemble des conséquences de la pandémie et pas uniquement l'infection à la Covid-19 comme cause nécessaire et suffisante de la mortalité. 

    La pandémie n'a pas uniquement tué des personnes infectées par la Covid-19. © Gorodenkoff, Adobe Stock
    La pandémie n'a pas uniquement tué des personnes infectées par la Covid-19. © Gorodenkoff, Adobe Stock

    Un excès de mortalité dans – presque – tous les pays

    Hormis en Nouvelle-Zélande, au Danemark et en Norvège, l'ensemble des pays pris en compte dans l'analyse statistique témoigne d'un excès de mortalité en 2020. Ces derniers concernent essentiellement les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, plutôt de sexe masculin, dans presque tous les pays étudiés. Une baisse de la mortalité a été constatée chez les jeunes de moins de quinze ans. Les excès de mortalité ont eu lieu généralement lors du printemps, de l'automneautomne et de l'hiverhiver. Malheureusement, les scientifiques n'avaient pas assez de données afin de déterminer l'excès de mortalité selon d'autres facteurs importants tels que le niveau socio-économique

    Enfin, dans leur étude, les chercheurs constatent que dans certains pays, l'excès de mortalité est supérieur au nombre de cas rapportés de la Covid-19. Cela peut être dû aux personnes décédées à cause des effets secondaires de la pandémie sur les systèmes de soins, mais cela suggère également que le nombre de cas connus est généralement inférieur au nombre de cas réels.