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Au rayon pharmacie, des pilules de toutes sortes offrent des promesses de beauté et de bien-être diverses et variées. Parmi elles, les antioxydants ont la vedette : ils permettraient, entre autre, de lutter contre le vieillissement, de faire baisser le taux de cholestérol et de prévenir les maladies cardiovasculaires et les cancers. Mais que sont-ils vraiment et comment fonctionnent-ils ? Pour le comprendre, il faut tout d'abord revenir aux bases du fonctionnement d'une cellule.
Lorsque nos cellules travaillent pour faire fonctionner le corps, elles utilisent de l'oxygène et du glucose pour fabriquer de l'énergieénergie. Au cours de cette réaction, elles produisent aussi des radicaux libres, c'est-à-dire des moléculesmolécules possédant un ou plusieurs électronsélectrons non appariés sur leur couche externe. À cause de cette caractéristique, ces composés sont extrêmement réactifsréactifs et peuvent facilement réagir avec n'importe quelle molécule qui les entoure, compromettant ainsi sa fonction. Lorsqu'ils s'accumulent, ils provoquent des lésions importantes que la cellule a beaucoup de mal à réparer.
Des cellules du cancer de poumons, ici vues en microscopie électronique à balayage. Chez la souris les antioxydants ne limitent pas la progression de leur croissance mais au contraire la stimule. © Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0
Heureusement la nature est bien faite et a doté les cellules d'un système de défense contre ces radicaux libresradicaux libres : les célèbres antioxydants. Parmi eux on trouve le glutathion, les vitamines C et E ou encore certaines enzymesenzymes comme la catalase et la superoxyde dismutase (SOD). Depuis la découverte de leurs vertus, un marché juteux s'est développé autour de ces molécules. Une étude réalisée en 2005 estimait en effet que plus de 10 % des adultes états-uniens prenaient des suppléments de vitamine Evitamine E tous les jours.
Les effets controversés des antioxydants
Cependant, des recherches de plus en plus nombreuses montrent qu'une ingestioningestion trop élevée de ces composés, notamment par le biais des compléments alimentaires, présente certains dangers. Il a par exemple été découvert qu'une prise excessive de bêta-carotènes augmentait le risque de cancer chez les fumeurs. Le séléniumsélénium en trop grande quantité favoriserait quant-à-lui l'apparition du diabètediabète de type 2. Dans une nouvelle étude, publiée dans la revue Science Translational Medicine, une équipe de l'université de Göteborg (Suède) vient à nouveau semer le doute sur les bienfaits des antioxydants. Leurs résultats montrent que certains d'entre eux favorisent le cancer du poumonpoumon chez la souris. De quoi faire réfléchir...
Ces effets ont en réalité été découverts par hasard. À cette époque, les chercheurs suédois travaillaient avec des souris génétiquement modifiées pour développer un cancer du poumon et recherchaient des composés bloqueurs de tumeurstumeurs. Pour contrôler leurs expériences, ils ont donné à certaines souris une solution de N-acetylcysteine (NAC), un composé antioxydant censé n'avoir aucun ou peu d'effet sur la progression des tumeurs. C'est pourtant l'inverse qui s'est produit : les tumeurs des rongeursrongeurs nourris au NAC se sont mises à grandir trois fois plus rapidement que prévu ! « La vraie expérience n'a pas marché du tout, mais l'effet du NAC nous a beaucoup intrigué », raconte Per Lindahl, un des participants à l'étude.
Des tumeurs qui grandissent trois fois plus vite
L'équipe a donc décidé de creuser le sujet et a analysé l'effet du NAC et de la vitamine E sur la progression des tumeurs chez la souris. Ils ont alors utilisé des doses 5 à 50 fois plus élevées que celles recommandées chez cet animal. « Les suppléments alimentaires en vitamine E apportent en général une ration 4 à 20 fois plus importante que ce qui est préconisé pour l'Homme, indique le chercheur. Notre expérience s'inscrivait dans cette gamme de valeurs. » Les résultats sont allés dans le même sens que la première fois: les rongeurs recevant des antioxydants ont vu leurs tumeurs croître trois fois plus vite que les autres.
Pour analyser le mécanisme mis en jeu plus en profondeur, les scientifiques ont cultivé des cellules cancéreuses humaines ou murines en présence de vitamine E ou de NAC. Comme attendu, ces antioxydants se sont mis à rapidement stimuler leur croissance. Par des techniques de biochimiebiochimie et de cytologiecytologie, les chercheurs ont montré que les antioxydants protégeaient l'ADNADN des cellules cancéreuses en réduisant l'expression du gènegène codant pour p53, une protéineprotéine bien connue pour son rôle en tant que suppresseur de tumeur.
Ces découvertes ne sont pas rassurantes et devraient tous nous inciter à consulter un médecin avant de prendre des antioxydants. « Cette étude a été réalisée chez la souris et pourrait ne pas être valable pour l'Homme, rassurent toutefois les auteurs. Il paraît cependant indispensable de continuer les recherches pour en avoir le cœur net. »