Outre leur rôle bien connu dans la digestion, les bactéries intestinales influencent aussi l’activité cérébrale et l’humeur. Des chercheurs chinois ont observé des perturbations dans la flore intestinale chez les personnes souffrant de dépression.
au sommaire
Le microbiote intestinal rassemble des bactéries, des virus et des champignonschampignons qui vivent entre les villosités de nos intestins. Loin d'être nocifs, ces micro-organismes participent activement au bon fonctionnement du corps humain en synthétisant des métabolitesmétabolites essentiels ou en éduquant, entre autres, notre système immunitairesystème immunitaire. Des désordres dans le microbiote intestinal ont été observés dans certaines maladies, notamment les maladies mentales. Selon plusieurs hypothèses, le microbiote influerait sur le cerveaucerveau par l'intermédiaire de l'axe « microbiote-cerveau-intestin ». Une expérience réalisée chez les souris soutient ces hypothèses : la greffegreffe du microbiote d'un patient dépressif à des souris sans flore intestinaleflore intestinale a provoqué l'apparition de troubles dépressifs chez les rongeursrongeurs.
Une publication parue début décembre dans Science Advances conforte aussi cette idée. Des scientifiques rattachés à plusieurs universités de médecine chinoises ont analysé la composition bactérienne et métabolique dans plusieurs échantillons de selles de patients atteints de troubles dépressifs majeurs et qui ne prennent pas de traitement médicamenteux susceptible d'altérer la flore intestinale. Leur analyse révèle une composition significativement différente de celles des patients sains.
Des différences observables dans les selles des patients dépressifs
Ce sont 311 échantillons de selles qui ont été analysés par les scientifiques, d'abord sous le prisme de la métagénomiquemétagénomique puis sous celui de la métabolomique. La métagénomique permet de connaître avec précision les espècesespèces bactériennes présentes dans l'échantillon et leur proportion. Grâce à cela, les scientifiques ont mis en évidence que le microbiote intestinal des patients malades est enrichi en bactéries appartenant au genre Bacteroides, et pauvre en bactéries appartenant au genre Blautia, Eubacterium et Clostridium en comparaison avec le microbiote des personnes saines.
Ils se sont également penchés sur la composition en bactériophagesbactériophages, ces virus spécifiques des bactéries, mais aucune différence significative n'a été observée entre les patients dépressifs et les patients sains.
L'analyse métabolomique, c'est-à-dire de l'ensemble des métabolites présents dans un échantillon, met aussi en lumièrelumière des différences significatives. Les selles des personnes dépressives sont appauvries en composés participant au métabolismemétabolisme des acides aminésacides aminés, notamment celui de l'argininearginine, de la prolineproline et d'un neurotransmetteurneurotransmetteur responsable de l'inhibitioninhibition du système nerveux, le GABAGABA (ou acide aminobutyrique qui est synthétisé à partir d'un acide aminé, l'acide glutamiqueacide glutamique).
Des biomarqueurs pour diagnostiquer la maladie
Les scientifiques pensent que ces taux de GABA plus faibles sont directement liés à la composition bactérienne altérée du microbiote chez les malades. Un gènegène impliqué dans la synthèse du GABA, BetB, présente également une activité plus faible chez les malades. De précédentes recherches ont déjà fait le lien entre les troubles dépressifs majeurs et une production réduite de GABA.
Enfin, les scientifiques sont parvenus à identifier un patient atteint de troubles dépressifs majeurs en analysant la combinaison de ces deux biomarqueurs. Actuellement, la dépression est diagnostiquée à l'issue d'un entretien réalisé par un professionnel, une méthode qui contient beaucoup de biais et peut conduire à des erreurs de diagnosticdiagnostic. Les scientifiques espèrent que ces résultats serviront de base pour développer des nouvelles techniques de diagnostic plus fiables.
Des bactéries intestinales pour traiter la dépression ?
Article publié le 22 novembre 2013 par Agnès RouxAgnès Roux, Futura
Outre leur rôle bien connu dans la digestiondigestion, les bactéries intestinales influencent aussi l'activité cérébrale et l'humeur. Des chercheurs irlandais proposent d'utiliser des probiotiquesprobiotiques dans le traitement du stressstress et de la dépression. Ces « psychobiotiquespsychobiotiques » ouvrent la voie vers de toutes nouvelles méthodes de traitement des maladies comportementales.
Les milliards de microbes qui colonisent notre système digestif nous sont bénéfiques à plus d'un titre : ils nous aident à bien digérer, nous épaulent en cas d'infections alimentaires et influencent le développement de certaines maladies comme l'obésité, le diabètediabète de type 2 et les allergiesallergies. Au cours d'un traitement antibiotiqueantibiotique, nos bactéries intestinales sont affaiblies et il n'est pas rare de souffrir de troubles digestifs. Pour lutter contre ce problème, des probiotiques sont souvent prescrits. Il s'agit en général de bactéries lactiques, hôtes naturels de l'intestin, qui ont des effets positifs sur la santé.
Le rôle de la flore intestinale ne s'arrête pas là. Des travaux de plus en plus nombreux suggèrent qu'elle influence également l'activité cérébrale et les comportements chez les animaux. Une étude de 2011 a par exemple révélé que les bactéries de la flore intestinale diminuaient l'anxiété et la dépression. Plus récemment, des chercheurs de l'University College Cork en Irlande ont montré qu'elles régulaient les taux de sérotoninesérotonine et d'acide γ-aminobutyrique (Gaba), deux neurotransmetteurs intervenant dans le contrôle de l’humeur. Des souris stériles privées de ces microbes présentaient d'ailleurs des troubles de l'anxiété.
Lors d'une situation de stress ou d'un épisode dépressif, les concentrations de sérotonine et de Gaba baissent. La plupart des antidépresseurs améliore la sécrétionsécrétion de ces moléculesmolécules afin de rétablir les niveaux normaux et d'améliorer l'humeur des patients. L'équipe irlandaise s'est alors demandée si les microbes digestifs pouvaient remplacer les médicaments antidépresseursantidépresseurs, souvent associés à des effets secondaires déplaisants. En d'autres termes, pourrait-on atténuer les signes de la dépression grâce aux probiotiques ? Pour répondre à cette question, ils ont exploré la littérature scientifique des dernières années sur le sujet. Leur analyse, publiée dans la revue Biological Psychiatry, présente le concept de psychobiotiques, des probiotiques utilisés pour soigner les troubles d'ordre psychiatrique.
Une meilleure alimentation pour être moins déprimé
Leurs conclusions suggèrent que les probiotiques améliorent les troubles de l’humeur chez les animaux. Une étude montre par exemple que les souriceaux séparés de leurs mères surmontent mieux la situation si leur alimentation est complétée par certains probiotiques. Par leurs vertus anxiolytiques et antidépressives, ces microbes favorisent à la fois le comportement et la réponse immunitaire des rongeurs.
D'autres recherches se sont intéressées aux effets des probiotiques sur les troubles dépressifs et le stress chez l'Homme. Jusqu'ici, les psychobiotiques ont été principalement étudiés chez les patients atteints du syndrome du côlon irritablesyndrome du côlon irritable, une maladie intestinale souvent associée à des problèmes d'humeur. Les résultats suggèrent un effet positif de plusieurs micro-organismes, notamment Bifidobacterium infantis, dans le traitement de ces troubles. Selon les auteurs, ces bénéfices seraient dus à leur action anti-inflammatoireanti-inflammatoire ainsi qu'à leur capacité à réduire l'activité de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, appelé plus communément axe du stress.
Ces résultats mettent en lumière l'influence de l'alimentation sur notre santé. En faisant attention à son hygiène de vie on pourrait limiter les risques de dépression, car le régime alimentaire influence la qualité de la flore intestinale. Cette analyse pose également la question de l'effet des antibiotiques sur notre comportement. Elle invite les médecins à être encore plus attentifs et à ne pas en prescrire abusivement.