Le confinement a fortement modifié la consommation de médicaments en France. Alors que les anxiolytiques et somnifères sont en hausse, les ventes de nombreuses catégories de médicaments ont dégringolé, signant-là un inquiétant recul de l'accès aux soins.

La consommation de médicaments a été durablement affectée par le confinement en mars, révèle un rapport Epi-Phare mené par l'Assurance-maladie conjointement avec l'Agence du Médicament et couvrant une période de six mois entre le 16 mars 2020 et le 13 septembre 2020. La plupart des classes thérapeutiques ont diminué, signe d'un recul de l'accès aux soins, du report des consultations et de la communication sur les effets délétères de certains produits sur la Covid-19. Passage en revue des différentes classes thérapeutiques

Anxiolytiques et hypnotiques en hausse

Du 16 mars jusqu'au 13 septembre, il s'est écoulé 1,1 million d'anxiolytiques, 480.000 hypnotiques et 187.000 antidépresseurs en plus des volumes attendus. « Pour les anxiolytiques, après une augmentation de +18,6 % des délivrances lors des 2 premières semaines de confinement, on observe une consommation supérieure au niveau attendu de façon persistante depuis la fin avril et jusqu'à la mi-août, note le rapport. Cette augmentation reflète probablement l'impact psychologique important de l'épidémie de Covid-19 et de ses conséquences sociales, professionnelles et économiques ». Une hausse qui reflète aussi sans doute le moindre accès des Français à une prise en charge psychologique, et qui ne fait qu'aggraver la surconsommation française de ce type de médicaments.

Grâce aux ordonnances périmées, les patients chroniques ont pu poursuivre leur traitement. © IViewfinder, Adobe Stock
Grâce aux ordonnances périmées, les patients chroniques ont pu poursuivre leur traitement. © IViewfinder, Adobe Stock

Chute des substituts nicotiniques

Les patchs et autres gommes nicotiniques accusent un déficit de 275.000 boîtes entre mars et septembre. Ces produits ont décroché de 30 % la deuxième semaine de confinement et les ventes demeurent inférieures de 17 % aux volumes attendus durant la première quinzaine de septembre. Le stress lié à l'enfermement et à la crise sanitaire qui se prolonge semble avoir découragé les fumeurs d'arrêter leur consommation de cigarettes.

Le traitement des maladies chroniques s’est globalement maintenu

Le traitement des patients connus et déjà traités pour les maladies chroniques semble avoir été globalement maintenu, grâce à un stockage des produits en début de confinement et à un renouvellement possible à l'aide d'ordonnances périmées et au recours aux téléconsultations, indique le rapport. C'est le cas notamment pour les antihypertenseurs, les antidiabétiques dont l'insuline et les antiépileptiques. On observe toutefois un déficit de mise en route de ces traitements pour les nouveaux malades. Ainsi, les nouvelles ordonnances ont baissé de -3,6 %, -6 % et -17,4 % respectivement pour les antihypertenseurs, les antidiabétiques et les anticoagulants.

Effondrement des anti-inflammatoires, corticoïdes et antibiotiques

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), accusés d’aggraver les effets de la Covid-19, enregistrent une baisse de consommation de 7,2 millions de traitements par rapport à celle attendue. Curieusement, le paracétamol, recommandé à l'inverse dans le traitement de la fièvre liée au coronavirus et dont on craignait une pénurie, est lui aussi en forte baisse avec 1,4 million de boîtes en moins délivrées.

Autre effet consécutif au confinement et au post-confinement : la diminution de la circulation des virus (hors Sars-CoV-2) et autres agents infectieux liée à la fermeture des crèches et écoles, à la distanciation sociale et au port du masque. En conséquence, la consommation de corticoïdes (utilisés notamment dans les affections aiguës ORL ou inflammatoires) montre un déficit de 3,6 millions de traitements et celle des antibiotiques de 4,1 millions.

Retard de la vaccination

Six mois après le début du confinement, le vaccin penta/hexavalent pour nourrissons, le vaccin anti-HPV (papillomavirus humains), le vaccin ROR (Rougeole-Oreillons-Rubéole) et le vaccin antitétanique affichent tous un fort recul. Ainsi, la chute des délivrances durant le confinement n'a pas été rattrapée par la suite, regrette le rapport. Plutôt ennuyeux alors que ces maladies sont hautement contagieuses et que les écoles ont réouvert.

Cancer et maladies graves non détectés

Le rapport pointe également du doigt une forte sous-consommation de traitements nécessitant une administration par un professionnel de santé, comme le traitement de la dégénérescence maculaire de l'œil, les endoscopies, les scanners et IRM. L'accès aux médecins et aux examens médicaux a en effet été réduit pendant le confinement, et cela se traduit à présent par une « chute non rattrapable des diagnostics pour certains cancers ou maladies graves », s'inquiètent les auteurs.

Alors que les déprogrammations de soins viennent de reprendre dans les hôpitaux franciliens et dans d'autres régions, les patients risquent d'être de plus en plus nombreux à découvrir leur cancer sur le tard.

Reste à mesurer l'incidence à long terme de toutes ces modifications et leurs effets sur les maladies chroniques. L'étude Epi-phare devrait se poursuivre dans les prochains mois et nous confirmer ou pas ces tendances.