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Le virus de la grippe A(H7N9) serait le fruit de quatre modifications génétiques qui se sont produites successivement dans au moins deux canards différents et deux poulets. © Sanofi Pasteur, Flickr, cc by nc nd 2.0
L'épidémie de grippe A(H7N9) continue sa progression. Au 29 avril, l'OMS comptabilisait 126 personnes tombées malades, parmi lesquelles 24 morts. Toutes les provinces du pays sont désormais touchées, et on signale un cas à Taïwan. Les autres pays voisins de l'empire du Milieu pourraient bientôt être touchés à leur tour.
Pendant ce temps, les autorités sanitaires chinoises travaillent au plus vite pour tenter de décrypter au mieux le virus. Une équipe de chercheurs du Centre de contrôle et de préventionprévention des maladies chinois (China CDC) vient de percer à jour l'un des mystères du virus en retraçant son origine. Ils ont réussi à montrer qu'il était le fruit d'au moins quatre réassortiments génétiques, et qu'il a fallu au moins autant d'oiseaux pour créer ce pathogène. Ils livrent leur analyse dans la revue spécialisée The Lancet.
Pour en arriver à de telles conclusions, les auteurs ont étudié les huit gènes du virus de la grippevirus de la grippe, en comparant les échantillons retrouvés chez les patients avec les bases de donnéesbases de données complètes qui sont constituées à partir de prélèvements sur les animaux et régulièrement mises à jour.
Deux canards et deux poulets, les ingrédients pour H7N9
Ils ont retracé l'origine de l'hémagglutininehémagglutinine, la protéineprotéine de surface symbolisée par la lettre H dans la dénomination H7N9. Elle aurait été retrouvée chez des canards sauvages ayant emprunté une voie migratrice passant par la Chine, la Corée du Sud et le Japon.
La grippe aviaire H7N9 a souvent frappé depuis les marchés aux oiseaux dans les grandes villes chinoises. Alors que l'épidémie touche l’ensemble du pays, les autorités craignent qu'elle ne s'étende aux pays voisins... © Jorge Royan, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0
Quant à la neuraminidaseneuraminidase (le N de H7N9), elle viendrait elle aussi de canards sauvages, mais issus d'une autre population. Ceux-ci seraient venus d'Europe, mais on a retrouvé chez eux un virus de la grippe présentant cette protéine en 2011 en Corée du Sud. Cela fait déjà deux sources.
Les six gènes internes du H7N9 proviendraient pour leur part d'un réarrangement qui se serait produit à partir de deux virus de la grippe H9N2 distincts. Dans un premier remaniement, qui se serait déroulé chez un poulet, seul le gène NS a été transmis. Dans un second, là encore chez des volailles, tous les autres gènes auraient été donnés d'un bloc. À l'issue de ces quatre mélanges successifs dans des oiseaux différents, le virus H7N9 est apparu. Les auteurs pensent que cela s'est déroulé en janvier dans la région de Shanghai.
Deux variants de la grippe A(H7N9) chez l’Homme
Leur étude ne s'arrête pas là. L'analyse approfondie de la neuraminidase suggère que les souches humaine et aviaire du virus se distinguent par 11 changements d'acides aminésacides aminés et 5 délétionsdélétions (ils sont absents).
Mais la comparaison des virus retrouvés chez les patients suggère que deux variants infectent l'Homme. En effet, la région de l'hémagglutinine qui se lie aux récepteurs de la cellule hôte peut différer d'un patient à l'autre. Chez certains, le 217e acide aminé de la protéine est une glutamineglutamine, connue pour ses propriétés hydrophileshydrophiles. Dans ce cas de figure, l'hémagglutinine semble plus adaptée aux récepteurs des oiseaux. En revanche, chez d'autres, la glutamine est remplacée par de la leucineleucine, voire de l'isoleucineisoleucine, deux acides aminés très hydrophobeshydrophobes. Cela augmente l'affinité avec les récepteurs des cellules humaines, et donc le pouvoir de pénétration du virus H7N9.
Cette recherche confirme les résultats des études précédentes, qui avaient identifié les oiseaux comme source de l'infection. En revanche, on ignore toujours si cette grippe s'est aussi servie d'un hôte intermédiaire, car certains patients déclarent ne pas avoir eu de contact rapproché avec des volailles. Et comme on ne dispose encore d'aucune preuve d'une transmission interhumaine, quelques doutes subsistent. Cette enquête n'en est encore qu'à ses balbutiements.