Une équipe de chercheurs canadiens vient d’effectuer une avancée majeure dans le domaine de la virothérapie oncolytique, consistant à transformer certains virus en armes destructrices de cellules tumorales.
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Virus de la stomatite vésiculeuse (VSV). Source : Center for Disease Control and Prevention
Comme l'explique John Hiscott, de la faculté de médecine de l'Université Mc Gill et de l'hôpital Général juif Lady Davis de Mc Gill (Canada), le plus grand défi actuel dans la lutte contre le cancer consiste à cibler précisément les cellules tumorales qui résistent encore aux traitements classiques. Son équipe, en collaboration avec des collègues de l'Université et de l'Institut de recherche en santé d'Ottawa (IRSO), a mis au point une nouvelle méthode utilisant un virus non humain inoffensif capable de pénétrer dans les cellules tumorales, de s'y répliquer, puis de les détruire sans nuire aux cellules saines. Connu sous le nom de virothérapie oncolytique, ce principe n'est pas nouveau.
Cependant, souligne le chercheur, de nombreuses tumeurs primitives, comme le cancer du sein ou de la prostate, résistent encore à cette approche thérapeutique. Aussi une stratégie complémentaire a été élaborée pour pallier cette difficulté, qui consiste à traiter au préalable les cellules atteintes, et seulement celles-ci, de façon à les rendre plus vulnérables et ainsi augmenter la capacité du virus à les cibler et les détruire.
Inhiber certaines enzymes
Cette nouvelle approche est l'œuvre de Nanh Nguyen et Hesham Abdelbary, rattachés aux laboratoires Hiscott et Bell et auteurs principaux de la communication à paraître ce mois aux Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), qui se sont penchés sur la famille des inhibiteurs d'histonehistone désacétylase (HDAC). Ces composés inhibent les enzymesenzymes responsables de la modulationmodulation de la structure des chromosomeschromosomes dans les cellules tumorales.
Nguyen, Abdelbary et leur équipe ont testé en laboratoire l'association HDAC-virothérapie sur des animaux atteints de tumeurs, mais aussi sur des tissus humains fraîchement prélevés sur des patients atteints de cancers du sein, de la prostate et du côloncôlon.
Et les résultats s'avèrent particulièrement positifs. « Un traitement à l'aide de ces composés permet d'augmenter de façon spectaculaire la vulnérabilité de ces cancers aux virus oncolytiques. Cette association thérapeutique stimule de façon marquée et inattendue la capacité de ces virus à cibler et à détruire les cellules tumorales », commente John Hiscott.
Un virus prélevé chez un insecte
Pour ces expériences, les chercheurs ont utilisé un rhabdovirus prélevé chez un insecteinsecte, le virus de la stomatite vésiculeuse (VSV), transmissible au bétail. Véritable modèle de laboratoire, celui-ci est étudié depuis plusieurs dizaines d'années et ses capacités réplicatives sont bien comprises sur le plan moléculaire. Il est, de plus, totalement inoffensif pour l'Homme. Ce dernier argument revêt un double avantage. Il écarte tout risque d'infection accidentelle, mais, de plus, peu de personnes sont porteuses d'anticorpsanticorps dirigés contre ce virus, ce qui signifie que le traitement par virothérapie dispose d'un intervalle de temps important pour agir avant qu'une réaction immunitaire se déclenche.
L'approche par virothérapie jumelée à un traitement par HDAC pourrait passer rapidement du test en laboratoire à l'essai cliniqueessai clinique, si l'on en croit le Dr Hiscott. « Comme la réalisation d'essais cliniques avec des virus similaires et des inhibiteurs de HDAC a déjà été approuvée chez l'humain, on peut envisager que les résultats de ces études s'étendent rapidement à la pratique. Des essais chez l'homme seraient donc à prévoir d'ici une année ou deux. Ces expériences sont indispensables pour déterminer si ce "projectile d'origine virale" est réellement un "projectile magique" capable d'atteindre une cible bien définie et de la détruire ».