Contre le virus du Sida, la piste de la thérapie génique se précise. La nouvelle technique, présentée à une conférence à Boston, aurait permis de renforcer le système immunitaire affaibli de cinq séropositifs.

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    Les premiers résultats, plutôt prometteurs, d'un essai clinique de thérapie génique porté sur six personnes infectées par le virus du Sida ont été présentés à Boston au cours de la conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes. Avant la thérapie génique, les six patients bénéficiaient déjà d'un traitement antirétroviral classique et efficace, qui contribuait à réduire fortement le taux de virus au point de le rendre indétectable.

    Malgré cela, certaines cellules immunitaires (les lymphocytes TT CD4+), premières cibles du rétrovirus, étaient maintenues à un niveau très bas, affaiblissant leurs défenses immunitaires face à d'éventuels autres microorganismesmicroorganismes. Cette situation problématique serait vécue par environ 30 % des séropositifsséropositifs sous traitement.

    La cible : le corécepteur CCR5

    Le point faible des lymphocytes T CD4+ est de porter sur leur membrane plasmiquemembrane plasmique des protéinesprotéines reconnues par le VIHVIH. La première est la protéine CD4, qui agit comme un récepteur du virus en interagissant spécifiquement avec la protéine gp120 située à la surface de la particule virale.

    Leur association entraîne une modification de la conformationconformation de la protéine gp41, une autre protéine de surface du virus, et qui va pouvoir s'associer à un corécepteur cellulaire : la protéine CCR5. Cette seconde interaction permet alors la fusionfusion des deux membranes (celle du virus et celle de la cellule) et l'entrée du virus dans le cytoplasmecytoplasme.

    Pour infecter, le virus du Sida nécessite la présence du récepteur CD4 et d'un corécepteur (CCR5 ou CXCR4) à la surface de la cellule. © Sanao, Wikimedia, domaine public

    Pour infecter, le virus du Sida nécessite la présence du récepteur CD4 et d'un corécepteur (CCR5 ou CXCR4) à la surface de la cellule. © Sanao, Wikimedia, domaine public

    Or les spécialistes du virus du SidaSida savent bien que des mutations dans le gènegène CCR5 confèrent une résistancerésistance face à certaines souches de VIH chez les rares personnes qui les portent dans leur génomegénome. Un homme séropositif et atteint de leucémieleucémie avait d'ailleurs pu être guéri du Sida, selon ses médecins, grâce à une greffegreffe de moelle osseusemoelle osseuse qui provenait d'un donneur possédant une telle mutation. Cependant, cette technique est trop dangereuse et les donneurs à la fois compatibles et sains trop rares pour envisager sa démocratisation.

    Éliminer le gène CCR5 des lymphocytes

    S'inspirant des mêmes propriétés du virus, les chercheurs du Quest Clinical Research à San Francisco ont eu une autre idée : abîmer le gène CCR5. Pour cela, ils ont eu recours à la fameuse technique de thérapie génique, légèrement revisitée et déjà testée sur la souris. Ainsi, certains lymphocytes T CD4+ ont été prélevés de chez ces six patients par prélèvement sanguin, et ont été modifiés en laboratoire afin de les « soigner », avant de leur être réinjectés.

    Ils ont utilisé une enzymeenzyme artificielle développée par la firme Sangamo BioSciences. Cette enzyme, appelée nucléasenucléase à doigts de zinczinc, résulte de la fusion de deux domaines protéiques distincts : un domaine nucléase qui porteporte l'activité de coupure de l'ADNADN, et un domaine de liaison à l'ADN, dont la spécificité de séquence peut être modulée par modification de sa structure. Elle a donc été conçue pour couper spécifiquement l'ADN génomiquegénomique des lymphocytes des patients au niveau du gène CCR5, afin qu'il ne puisse plus donner naissance à un corécepteur fonctionnel.

    Une réelle efficacité ?

    La réinjection de ces cellules traitées a eu plusieurs effets positifs d'un point de vue clinique. Tout d'abord, aucun effet indésirable n'a été constaté, indiquant que le traitement est bien supporté par les patients. De plus, cinq des six personnes traitées ont vu leur taux de cellules CD4+ repartir à la hausse, et améliorer le ratio CD4/CD8, indicateur d'une bonne santé immunitaire. Mieux, les cellules modifiées ont même colonisé la muqueusemuqueuse intestinale qui constitue l'un des principaux foyers du VIH, témoignage de la résistance au virus des lymphocytes réinjectés.

    Cet essai clinique de phase 1 est donc plutôt encourageant mais mérite d'être confirmé sur d'autres patients, car beaucoup de questions restent sans réponse. Notamment, le traitement serait-il aussi efficace sur des personnes dont la charge viralecharge virale est plus élevée ? Quoi qu'il en soit, des essais similaires sont également en cours, destinés à cibler l'autre corécepteur connu du virus du Sida (CXCR4) et à traiter directement les cellules hématopoïétiques (à l'origine des lymphocytes T CD4+).