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Le VIH, ici représenté en rose, appartient au genre des lentivirus, des virus qui ont pour particularité d’exiger une longue période d’incubation avant de révéler leur pouvoir pathogène. Qui va doucement va sûrement ? Pas forcément ! Si on coupe le VIH dans ses premières foulées, il pourrait se révéler inoffensif. © A. Harrison, P. Feorino, CDC, DP
Les années se suivent, et pourraient bien commencer à se ressembler. Lors de l'édition 2013 de la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (Croi), le monde scientifique avait accueilli avec stupeur et espoir l'annonce faite par Deborah Persaud, signalant un cas de guérison fonctionnelle chez une enfant née avec le VIH grâce à une prise en charge précoce. Cette année, c'est Audra Deveikis, pédiatrepédiatre à l'hôpital pour enfants Miller de Long Beach (Californie) qui revient avec une aussi bonne nouvelle. Elle a pris en charge une petite fille qui pourrait bien connaître un sort aussi souhaitable.
L'an passé, une partie des spécialistes du Sida se montraient légèrement sceptiques. Mais celle que l'on surnomme désormais « le bébé du Mississippi » ne serait peut-être plus un cas unique. Avec cette annonce, ajoutée à ces rumeurs qui circulent concernant cinq petits Canadiens et trois bébés sud-africains dans le même cas, et à la veille du commencement d'un essai clinique sur 60 enfants, les doutes semblent désormais balayés. Si les conclusions de ces enquêtes se révèlent positives, alors c'est l'espoir pour les 250.000 nouveau-nés qui viennent au monde déjà contaminés chaque année. Un double espoir même : d'une part pour le bien-être et la santé de ces enfants, mais aussi parce qu'on tient là une nouvelle preuve qu'un traitement précoce peut guérir fonctionnellement d'une infection au VIH.
La trithérapie précoce salvatrice
Dans le cas de la petite californienne, rien n'était gagné d'avance. Sa mère, touchée par des troubles mentaux, est arrivée à l'hôpital en plein travail d'accouchement, mais aussi dans une phase Sida avancée. Elle n'avait pas pris les médicaments permettant de limiter fortement la transmission du VIH de la mère à l'enfant. Le bébé avait donc de fortes chances d'être contaminé.
Après la naissance, Audra Deveikis a immédiatement lancé les tests pour connaître le statut sérique du nourrisson et a reconnu s'être trouvée face à un dilemme. En temps normal, lorsqu'on suspecte une infection, les médecins donnent de faibles doses de deux traitements antirétroviraux en attendant d'en avoir confirmation. Mais, avec en mémoire l'histoire incroyable du bébé du Mississippi, elle a pris le risque de lui administrer trois médicaments (AZT, 3TC et névirapine), aux posologies indiquées contre le virus, tout en pensant aux effets secondaires indésirables, seulement quatre heures après sa naissance.
L’AZT, ou zidovudine, est le premier traitement efficace contre le VIH à avoir été autorisé. Seul, il ne pouvait contrôler le VIH : il est désormais utilisé en association avec d’autres antirétroviraux. © NIH, Wikipédia, DP
Une décision difficile... qui pourrait bien changer à jamais la vie de cette enfant. Car les tests ont montré qu'elle était bien contaminée par le virus du Sida. Six jours après le début de la prise en charge, le taux de VIH commençait à décliner. Il devenait même indétectable au 11e jour de son existence. Neuf mois plus tard, le virus est complètement sous contrôle.
Faut-il arrêter de traiter cette enfant ?
Pour rester précis, les médecins ne parlent ni de guérison ni de rémission, car la petite fille suit toujours un traitement, mais préfèrent parler de séroconversion. Cependant, ils ne cachent pas leur espoir de la savoir en état de guérisonguérison fonctionnelle, c'est-à-dire dans une situation où il reste quelques foyers très épars du virus, mais à des niveaux si faibles qu'il ne se montrera jamais plus dangereux, même en cas d'arrêt de la médication. La seule façon de le vérifier consiste à stopper les traitements. Est-ce vraiment éthique ?
L'équipe soignante veut attendre encore un peu avant d'envisager cette éventualité. Si la virémievirémie reste indétectable à deux ans, ils pourraient prendre le risque, estimant que le jeu en vaut la chandelle, en assurant bien évidemment un suivi très régulier pour limiter les complications. Si l'essai s'avère concluant, l'enfant pourrait arrêter les antirétroviraux à vie.
Le Sida sur le recul
La question s'était posée différemment avec la petite du Mississippi. D'abord suivie et traitée durant 18 mois, sa mère ne l'avait subitement plus amenée à l'hôpital. Elle n'y remettait les pieds que cinq mois plus tard. Et les résultats d'analyse, qui s'annonçaient terribles, révélèrent que l'infection était sous contrôle. Aujourd'hui âgée de plus de trois ans, l'enfant se porteporte toujours bien, d'après Deborah Persaud, qui est montée une nouvelle fois à la tribune. Les tests avec les techniques les plus sensibles ne révèlent toujours aucune trace du VIH.
Alors que certains espoirs de guérison récents ont été douchés par une réalité plus dure qu'estimé, de telles avancées rappellent que la lutte contre le SidaSida est toujours en cours, et que la balance penche progressivement en notre faveur. Il faut juste continuer à y croire.