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Cerveau humain adulte. Crédit : NIH/Futura-Sciences
On savait déjà, depuis une vingtaine d'années, que les nourrissons dès l'âge de 5 à 6 mois avaient un sens élémentaire des nombres, à l'instar d'ailleurs de certains animaux tels les singes, les dauphins, les oiseaux et aussi les rongeursrongeurs. Cette capacité mathématique obéit à la loi de Weber, selon laquelle le seuil de discrimination entre deux stimuli augmente en proportion de leur intensité. Il en résulte un effet de taille -- la différence soit mieux perçue entre 4 et 5 qu'entre 84 et 85 -- et un effet de distance, -- on différencie mieux 84 et 88 que 84 et 85.
Cette capacité est issue de la longue histoire évolutive de l'Homme, répondant à un besoin apparu très tôt d'apprécier une quantité de nourriture ou la taille d'un groupe de congénères. Et si l'importance de cet acquis s'est progressivement amoindrie chez l'Homme durant les premiers âges de sa croissance, elle n'en reste pas moins capitale dans son apprentissage ultérieur des mathématiques. Le petit homme ne commence-t-il pas par compter sur ses doigts ?
Véronique Izard, Ghislaine Dehaene-Lambertz et Stanislas Dehaene, à l'hôpital du Kremlin-Bicêtre (Paris), ont utilisé la technique éprouvée de l'électro-encéphalographie (EEGEEG) et se sont attachés à cartographier l'activité des cerveaux de nourrissons alors que leur étaient soumises des représentations d'ensembles d'objets. Des différences subtiles étaient introduites, concernant tantôt le nombre, tantôt la nature de ces objets. Des réactions non moins subtiles ont été relevées dans la façon dont ces cerveaux juvéniles traitaient l'information. Leurs résultats viennent d'être publiés dans la revue PLos Biology.
Des cerveaux de 3 mois étonnamment matures
Bien que cette technique ne permette pas de repérer directement les zones corticales en activité, une méthode de reconstruction en 3D à partir des données de l'EEG a été mise au point, qui permet de cartographier le cerveau durant ces stimuli par l'image. C'est ainsi qu'une nette corrélation a pu être établie entre les voies de traitement de l'information par les nourrissons et les cerveaux des adultes.
Notamment, il a été confirmé que le traitement du nombre et de la position des d'objets apparus est traitée par les aires du lobe pariétal, situées sur la partie supérieure du cerveau, dite voie dorsale, tandis que l'information sur l'identité des objets est traitée par les aires des lobes temporaux, situés latéralement, dites voie ventrale.
Il a été ainsi formellement établi que le cerveau traite déjà les variations de nombre et de nature des objets aperçus dans des zones distinctes, et ce dès l'âge de 3 mois. C'est vraisemblablement vers cet âge que le traitement du nombre est orienté vers des aires pariétales, introduisant un sens des quantités que l'enfant pourra ensuite développer pour s'orienter vers des concepts mathématiques plus élaborés.
Cette découverte, ainsi que l'affinement des connaissances sur le fonctionnement intime du cerveau devrait aussi permettre la mise au point de nouvelles méthodes de diagnostic précoce ou de traitement d'affections altérant le sens du nombre, un syndrome appelé dyscalculie. Cette affection relativement rare atteint des enfants qui, bien que d'intelligenceintelligence normale, n'arrivent pas à effectuer des opérations aussi élémentaires que 7 - 3, ou à évaluer à l'œilœil nu de petites quantités, même réduites à deux ou trois objets, et dont la rééducation s'avère encore très difficile et délicate.