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La vie n'est pas un long fleuve tranquille et réserve son lot de surprises et de difficultés diverses. Certains événements traumatisants comme la perte d’un proche, un accident choquant ou un divorce peuvent bouleverser le cours de l'existence. Dans ces situations, il est rare de se relever indemne, et la dépression n'est souvent pas loin. Le stress post-traumatique serait même marqué dans l'ADN. Plus précisément, il affecterait les télomères, c'est-à-dire les séquences non codantes situées aux extrémités des chromosomes, et diminuerait la duréedurée du cycle cellulaire. Les épisodes malheureux altéreraient ainsi l'espérance de vieespérance de vie des individus.
Au cours de l'histoire, l'Homme a peu à peu dévoilé son côté sombre et s'est montré capable des pires cruautés. Le XXe siècle s'est révélé particulièrement pernicieux. Les victimes de génocides ont dû faire face à des situations terribles, à la fois physiquement et psychologiquement. Violence, manque d'hygiène, faim, humiliation et décès de proches ont habité leur vie au quotidien. Les rescapés de ces atrocités ne s'en sont pas sortis sans dommages. Mais à quel point ? Une équipe de chercheurs de l'université de Haïfa, en Israël, s'est intéressée à cette question et a analysé l'espérance de vie des victimes de l'Holocauste. Leurs résultats sont publiés dans la revue Plos One.
Intérieur d'une baraque au camp d’Auschwitz-Birkenau. Les hommes qui ont survécu aux camps auraient une espérance de vie accrue, une caractéristique que l’on ne retrouve pas chez les femmes. © esterina on silver, Flickr, cc by nc nd 2.0
Pour cette étude, les auteurs ont examiné les informations de la base de donnéesbase de données du National Institute of Israël et ont retenu 55.200 juifs polonais qui étaient âgés de 4 à 20 ans en 1939. Près d'un quart d'entre eux a migré en Israël avant la deuxième guerre mondiale, alors que les autres ont rejoint le pays après avoir subi les préjudices de la guerre et des nazis.
Tout ce qui ne tue pas rend plus fort
« Les survivants de l'Holocauste ont subi des traumatismes sans précédent, explique Abraham Sagi-Schwartz, le principal auteur de ces travaux. On pourrait donc penser qu'ils sont plus faibles et qu'ils ont tendance à mourir plus tôt que la moyenne. » Les résultats affichent pourtant l'inverse de ce qui était attendu. En effet, les scientifiques ont montré que les victimes de l'Holocauste vivaient en moyenne six mois et demi de plus que les autres personnes.
Les chercheurs ont alors creusé la question, et ont montré que l'augmentation de la durée de vie dépendait à la fois du sexe et de l'âge. En effet, seuls les hommes bénéficient de cet allongement. D'autre part, plus le traumatisme est vécu vieux, plus la durée de vie est longue. Ainsi, les individus ayant échappé à l'Holocauste entre 16 et 20 ans vivent en moyenne 18 mois de plus que leurs homologues du même âge n'ayant pas subi l'oppression.
Selon les chercheurs, cette augmentation de la durée de vie serait due à un phénomène de croissance post-traumatique. En d'autres termes, comme le disait le philosophe allemand Friedrich Nietzsche, « tout ce qui ne tue pas rend plus fort ». Cette expérience traumatisante fournirait aux rescapés une énergieénergie supplémentaire pour affronter l'adversité, et leur permettrait de vivre plus longtemps. Il est également possible que les personnes ayant survécu aux monstruosités de la guerre soient celles prédisposées dès le départ à une vie plus longue. Cependant, il reste à comprendre pourquoi la différence dans la durée de survie est uniquement constatée chez les hommes.