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Les nez professionnels n'ont pas besoin d'olfactomètre, appareil qui permet d'amplifier les odeurs pour mieux les sentir. © Rob Davis, Wikimedia, CC by-sa 3.0
L'olfaction est un sens bien moins développé chez les humains que chez les autres MammifèresMammifères. Non seulement de plus grandes quantités de moléculesmolécules odorantes doivent être présentes pour activer notre flair, mais en plus il nous est difficile de distinguer une odeur parmi tant d'autres. Se remémorer mentalement une odeur est donc un défi encore plus ardu ! Comparativement, il nous semble en effet bien plus aisé de visualiser par la pensée un visage ou un lieu, ou de fredonner une chanson dans sa tête, que d'imaginer sentir une odeur.
Mais pas pour tout le monde... Les nez, ces experts de l'olfactionolfaction qui sont à l'origine de nouveaux parfums parviendraient à sentir des odeurs dans leur tête rien qu'en les imaginant. Pour comprendre, intéressons-nous d'abord au fonctionnement du système olfactif.
Le réseau complexe du système olfactif
Celui-ci s'étend du nez au cerveau. Dans la cavité nasale, une zone de 10 centimètres carrés appelée muqueuse nasale est tapissée de neurones olfactifs. Ceux-ci perçoivent des molécules odorantes volatiles grâce à un grand nombre de récepteurs moléculaires différents situés en surface des neurones, ce qui provoque leur activation. Le signal électrique nerveux produit sera transmis au bulbe olfactif où se produit la première intégration de l'information. Ensuite, le signal est envoyé par le nerf olfactif au cortex cérébral, qui se charge d'identifier l'odeur.
L'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle montre que les odeurs activent le cerveau au niveau des deux hémisphères. © J. P. Royet, CNRS
Si les parfumeursparfumeurs sont réellement capables de ressentir une odeur par la pensée, les zones du cerveaucerveau associées aux odeurs devraient donc être activées. Des chercheurs, Jane Plailly et Jean-Pierre Royet du laboratoire Neurosciences sensorielles comportement cognitioncognition (CNRS/Université Claude BernardClaude Bernard Lyon 1) et Chantal Delon-Martin, de l'institut des Neurosciences de Grenoble (Inserm/Université Joseph FourierJoseph Fourier), ont voulu vérifier l'hypothèse en analysant, à l'aide de l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelleimagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), le cerveau de quatorze « nez » et de quatorze étudiants en parfumerie (à l'Institut supérieur international de la parfumerie, de la cosmétique et de l'aromatiquearomatique, à Versailles) en pleine perception olfactive réelle ou imaginaire.
Les résultats, publiés dans la revue Human Brain Mapping, montrent la présence d'afflux sanguins importants au niveau du cortex olfactif primaire (ou cortex piriforme), que les volontaires soient en train de percevoir réellement une odeur ou juste en train d'imaginer la ressentir. La mémoire olfactive existe donc réellement et son mécanisme semble similaire à celui de la mémoire visuelle ou auditive, où les zones cérébrales activées par le souvenir sont identiques à celles activées par une véritable sensation.
La plasticité du cerveau
Mais à l'image du cerveau des sommeliers, qui réagit bien plus spécifiquement à la dégustation d'un vin que le cerveau d'un simple amateur, les nez ont réussi à entraîner leur cerveau à force d'exercices quotidiens ! D'après les images du cerveau obtenues à l'IRMf, l'activation du cortex piriforme (associé à l'olfaction) et de l'hippocampehippocampe (impliqué dans la mémoire) est moins intense chez les professionnels que chez les étudiants.
Ainsi, les nez professionnels expérimentés sont plus efficaces et plus rapides à recréer mentalement des sensations des molécules odorantes, même complexes (du dihydromyrcénol, du triplal, du benzyl, de l'acétate), avec une efficacité qui s'accroît avec le nombre d'années d'expériences. L'adaptation du cerveau est un outil précieux qui leur permet de jouer facilement avec les différentes fragrances pour créer mentalement de nouvelles combinaisons.