En s'inspirant de ce que sait faire la salamandre, des chercheurs ont réussi, chez la souris, à régénérer du tissu musculaire viable et à le réintégrer dans l'animal. La régénération d’un membre entier, à l’image de la prouesse de l'amphibien, est encore loin mais la recherche avance pas à pas.

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    La salamandre possède une capacité de régénération impressionnante dont on espère pouvoir s'inspirer. © Pierre-Yves Vaucher / Licence Creative Commons

    La salamandre possède une capacité de régénération impressionnante dont on espère pouvoir s'inspirer. © Pierre-Yves Vaucher / Licence Creative Commons

    Les salamandres constituent l'un des rares groupes d'animaux capables de régénération. Une queue ou même un membre sectionné peut repousser et reformer la morphologie exacte du membre absent. Cette spectaculaire capacité intéresse fortement les biologistes qui espèrent trouver la clé pour adapter cette fonction à l'homme, qui en est dépourvu. En effet, excepté la régénération du foie et une certaine capacité limitée à cicatriser, il lui est impossible de reconstituer un ensemble de tissus complexes.

    Même si la question n'est pas encore totalement résolue, la majorité des scientifiques s'accorde à penser que la régénération chez les salamandres provient d'un retour des cellules musculairescellules musculaires situées autour de la blessure à un état primitif. Cette dédifférenciation s'accompagne d'une capacité à se multiplier, ce dont les cellules matures sont incapables. De précédents travaux de recherches avaient confirmé l'hypothèse et même identifié le responsable d'un tel mécanisme : le gène de la protéine du rétinoblastome (Rb). Habituellement, elle empêche la multiplication cellulaire, mais son expression est ici stoppée pour favoriser la régénération des tissus.

    Les mammifèresmammifères aussi possèdent ce gène Rb, alors pourquoi la régénération n'est-elle pas possible ? Dans leurs recherches, des scientifiques du Stanford University School of Medicine à Stanford en Californie ont identifié un autre gène, Arf, absent des vertébrésvertébrés inférieurs et donc potentiellement responsable de l'inhibition de la régénération. Ils ont cherché à éteindre l'expression des deux gènes, Rb et Arf, simultanément dans des cellules de mammifères, imitant l'état d'une cellule musculaire de salamandre en pleine régénération.

    Le poisson zèbre, <em>Danio rerio</em>, est aussi capable de régénération. © Wikimedia <em>Commons</em>

    Le poisson zèbre, Danio rerio, est aussi capable de régénération. © Wikimedia Commons

    « Pas question de jouer avec le feu »

    Pour stopper l'expression des gènes, ils ont utilisé la technique d'ARNARN interférenceinterférence sur des cellules musculaires de souris en culture. L'extinction spécifique des deux gènes a été réalisée transitoirement, laissant le temps à ces cellules (qui sont normalement incapables de se diviser) de commencer à proliférer. La restauration de l'expression des deux gènes a ensuite stoppé la division des cellules, qui ont finalement été réimplantées dans la souris et ont pu s'intégrer au tissu musculaire.

    Malgré cette belle réussite, les travaux publiés dans le journal Cell Stem Cell laissent des interrogations en suspens. Cette manipulation semble d'abord dangereuse au vu de l'extinction de deux gènes importants dans le contrôle des tumeurstumeurs (Rb et Arf). Pourtant les chercheurs se défendent : « Il n'est pas question de jouer avec le feufeu. La crainte vient du fait que les cellules n'étant plus protégées par le suppresseur de tumeur, elles peuvent se multiplier de manière incontrôlée. Mais des expériences ultérieures suggèrent que l'extinction temporaire du gène ne provoque pas de tumeur ».

    De plus, les cellules musculaires utilisées proviennent de cultures cellulaires et seraient trop éloignées du vrai tissu musculaire au sein d'un organisme vivant pour réagir de la même façon, selon certains chercheurs non impliqués dans l'étude. En outre, il ne s'agit ici que d'une dédifférenciation puis d'une multiplication cellulaire, encore loin d'une régénération à proprement parler, qui a des contraintes morphologiques et anatomiques complexes.

    Cependant, ces résultats confèrent une base pour la recherche sur la reconstruction de tissus. Les malades du cœur ou du pancréaspancréas pourraient peut-être un jour bénéficier de ces avancées grâce à la régénération des cellules endommagées, sans nécessiter de transplantationtransplantation d'organes.