Bien qu’il affecte essentiellement l’Asie, Plasmodium vivax, le deuxième agent du paludisme, serait originaire d’Afrique. C’est en tout cas ce que révèle une nouvelle étude conduite auprès des grands singes africains, chez qui ce parasite est très répandu. Les chercheurs craignent une réémergence de cette souche chez certaines populations à risque sur le continent africain.
Les gorilles et les chimpanzés portent le deuxième vecteur du paludisme, Plasmodium vivax. Selon les auteurs, ce parasite aurait migré de l'Afrique vers l’Asie. © Cécile Neel, IRD

Les gorilles et les chimpanzés portent le deuxième vecteur du paludisme, Plasmodium vivax. Selon les auteurs, ce parasite aurait migré de l'Afrique vers l’Asie. © Cécile Neel, IRD

Le deuxième agent du paludisme, Plasmodium vivax, affecte plus de 18 millions de personnes par an dans le monde, essentiellement en Asie et en Amérique latine. En revanche, il épargne les populations africaines qui y sont devenues résistantes. Récemment, des chercheurs ont découvert P.vivax chez les grands singes d'Afrique centrale. Une nouvelle étude, publiée dans la revue Nature Communications, révèle qu'il est en réalité très répandu chez nos cousins primates. En effet, les chercheurs ont identifié son ADN dans de nombreux échantillons fécaux de singes sauvages ou en captivité dans toute l'Afrique centrale, au Cameroun, en République centrafricaine et en République démocratique du Congo.

L'étude suggère également que les grands singes sont à l'origine de la contamination humaine, comme ce fut à priori le cas pour le premier agent du paludisme Plasmodium falciparum. Les parasites humains et simiens sont génétiquement très proches, comme le montre le séquençage de l'ADN de P. vivax trouvé chez les gorilles et chimpanzés africains comparé à celui de parasites observés chez l'Homme dans différentes régions du monde.

<em>Plasmodium vivax</em>, ici au milieu de cellules hépatiques, est responsable de nombreux cas de paludisme à travers le monde chaque année, mais épargnait jusque-là l'Afrique subsaharienne. © Wellcome Images, cc by nc nd 2.0

Plasmodium vivax, ici au milieu de cellules hépatiques, est responsable de nombreux cas de paludisme à travers le monde chaque année, mais épargnait jusque-là l'Afrique subsaharienne. © Wellcome Images, cc by nc nd 2.0

D'autre part, les parasites des singes sont plus anciens que ceux des Hommes, car beaucoup plus diversifiés que les souches humaines qui forment une seule lignée. Les séquences d'ADN de ces dernières sont comprises dans celles des parasites simiens. Les chercheurs en concluent donc que ce sont les primates qui ont infecté les humains. Mais contrairement à P. falciparum qui n'infecte que les gorilles et a donc probablement été transmis à l'Homme par cette espèce, P. vivax touche aussi les chimpanzés. Ces derniers pourraient donc être à l'origine, comme les gorilles, de l'infection humaine.

Un réservoir de Plasmodium vivax en Afrique

L'origine africaine ancienne de P. vivax expliquerait la résistance de l'Homme au parasite en Afrique. Sur ce continent, les populations doivent leur immunité à une mutation génétique survenue il y a environ 30.000 ans. Celle-ci empêche l'expression d'une protéine, en l'absence de laquelle P. vivax est incapable de pénétrer dans les cellules sanguines. Elle aurait ainsi éliminé P. vivax chez l'Homme en Afrique.

La lignée humaine de P. vivax qui sévit aujourd'hui en Asie et en Amérique serait donc issue d'un ancêtre commun, qui aurait survécu après sa diffusion hors d'Afrique. Cependant, la forte prévalence de P. vivax observée chez les grands singes laisse craindre l'existence d'un réservoir naturel et de nouveaux transferts des primates vers des personnes non résistantes. Ce résultat explique notamment les cas d'infection de voyageurs répertoriés en Afrique centrale. Pointant du doigt un éventuel risque d'émergence, les chercheurs comparent à présent les propriétés biologiques et moléculaires des parasites humains et simiens, pour déterminer leurs interactions avec leurs hôtes et les facteurs de transmission.