au sommaire
Le paludisme menace 3,3 milliards de personnes dans le monde, vivant dans 106 pays. Elle est la première parasitose et est causée par un protozoaire du genre Plasmodium, comme ceux que l'on voit à l'image. Les médicaments actuels, à base d'artémisinine, pourraient bientôt ne plus faire effet, nous laissant face à une impasse thérapeutique. © Hilary Hurd, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0
Affolant, ahurissant, inquiétant, dramatique, scandaleux... Chacun est libre de choisir le qualificatif qui convient le mieux à la situation. Des scientifiques de l'Institut national de la santé américain viennent de publier dans les colonnes de The Lancet Infectious Disease une étude qui révèle qu'entre 20 et 46 % des traitements antipaludiques distribués en Asie du Sud-Est ou en Afrique subsaharienne, principales victimes de la malaria, sont de faible qualité, voire parfois inefficaces puisque certains ne contiennent aucun principe actif.
Le paludisme est une maladie causée par un parasiteparasite du genre Plasmodium, responsable d'au moins 655.000 victimes par an dans le monde, même si le chiffre est sujet à polémique. Ces mauvais médicaments ont contribué à limiter la diminution du nombre de morts et favorisent probablement la résistance aux traitements dont on commence à constater les prémices le long de la frontière thaïlando-cambodgienne.
Le travail s'est focalisé sur 27 publications, parues ou non, menées entre 1999 et 2010 et portant sur la qualité des thérapiesthérapies antipaludiques. Les chiffres précis sont répertoriés dans le tableau ci-dessous.
L'étude a récupéré des données émanant de sept pays asiatiques et vingt-et-un pays africains. Sur les différents échantillons prélevés, plus d'un tiers des médicaments étaient de mauvaise qualité, c'est-à-dire conçus avec des doses de principe actif trop faibles ou trop fortes. Une grande partie d'entre eux étaient également mal emballés ou mal conservés (voire périmés), expliquant leur inefficacité malgré la présence de la bonne dose de médicament. Les statistiques africaines émanent du seul pays qui a fourni des données à cet égard, le Burkina Faso. Enfin, une quantité non négligeable des traitements consistaient en des contrefaçons, avec un emballage proche des originaux mais un mauvais principe actif, voire aucun. C'est au total environ un tiers des médicaments antipaludiques qui sont à jeter. © Futura-Sciences
Des moyens insuffisants pour détecter les mauvais médicaments
Les auteurs de cette étude craignent que ces résultats, déjà bien inquiétants, ne soient que la partie émergée de l'iceberg. Ils supposent en effet que tous les cas constatés n'ont pas été reportés ou que les laboratoires pharmaceutiques ont gardé une partie de leurs résultats confidentiels. Les données récoltées traduisent-elles une vision améliorée de la réalité ?
Reste à expliquer pourquoi on en est arrivé là. Les scientifiques y voient plusieurs raisons. D'abord, ils déplorent un manque de connaissances de la part des patients mais aussi d'une bonne partie du personnel médical de ces contrées. Deuxièmement, la surveillance semble insuffisante et la répression pour les personnes à l'origine des contrefaçons ne serait pas assez sévère. Selon eux, « la production et la distribution de médicaments antipaludiques contrefaits devraient être considérées comme un crime contre l'humanité ».
Le moustique Anopheles stephensi est l'un des principaux vecteurs du paludisme. Celui-ci a l'abdomen gorgé de sang, preuve qu'il vient de faire un bon repas. © Hugh Sturrock, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0
Ensuite, les installations capables d'évaluer la qualité du médicament ne sont pas suffisantes. En Afrique par exemple, seuls trois des quarante-sept pays dans lesquels sévit le paludisme possèdent des laboratoires équipés pour effectuer les analyses chimiques s'assurant de la validité des traitements. Très peu de moyens de s'assurer de l'efficacité des thérapies qui vont être distribuées.
Accroître la surveillance dans les pays victimes du paludisme
L'étude appelle à intensifier la surveillance à différents niveaux : sur la ligne de production des produits, sur la contrefaçon, sur le changement de principe actif, sur le nouvel étiquetage des produits périmés et sur la façon dont les médicaments sont stockés. Les auteurs demandent également à ce qu'on manifeste plus d'attention à l'égard de la Chine et de l'Inde, les deux principaux pourvoyeurs de médicaments vers les pays en voie de développement.
Enfin, il faudrait également développer un système d'évaluation global à l'échelle internationale, qui fait cruellement défaut à l'heure actuelle puisque chaque pays définit individuellement les critères permettant de valider l'efficacité d'un médicament ou les protocoles dprotocoles d'essais. Un accord entre nations conduirait à une homogénéisation des règles et à un meilleur contrôle de l'épidémieépidémie. Il est toujours temps d'agir...