Le paludisme tue toujours dans le monde. Mais combien fait-il de victimes ? Des chercheurs mettent en doute les chiffres donnés par l’OMS et comptabilisent deux fois plus de morts. Pourquoi de telles différences dans les chiffres ?

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    Publiée vendredi 3 février dans The Lancet, une étude sur la mortalité imputable au paludisme jette un véritable pavé dans la mare. D'après ses auteurs, cette maladie tuerait chaque année 1,2 million de personnes dans le monde, alors que l'Organisation mondiale de la santéOrganisation mondiale de la santé (OMS) en comptabilise deux fois moins (655.000).

    Financé par la Fondation Bill and Melinda Gates, ce travail a été réalisé par Christopher Murray et son équipe de l'université de l’État de Washington, à Seattle. Les auteurs ont également découvert que « près de la moitié des décès dus au paludisme concernaient en 2010, des adolescents et des adultes ». En revanche, les données publiées par l'OMS dans son rapport 2011 sur le paludisme dans le monde font état d'une très large majorité de décès (86 %) « touchant de jeunes enfants de moins de 5 ans ».

    Comment de tels écarts sont-ils possibles ? Interrogée, Awa-Marie Coll-Seck, directrice exécutive du partenariat Roll Back Malaria (RBM) à l'OMS, met en avant les méthodes de calcul utilisées. « Christopher Murray a directement demandé aux communautés de lui transmettre le nombre de morts par paludisme. Cette pratique a tendance à gonfler les chiffres de la mortalité palustre. En effet, les personnes que le professeur Murray a interrogées ne sont pas forcément des médecins. Bien souvent, elles ne sont pas en mesure de se prononcer sur la cause exacte d'un décès. C'est ainsi qu'elles auront facilement tendance à associer la présence d'une fièvre au paludisme, alors que les causes peuvent en être bien différentes. »

    Nombre de victimes du paludisme : la moyenne des deux ?

    Les auteurs rétorquent à cela que du fait du manque d'infrastructures médicales dans de nombreux pays, les causes de mortalité ne sont pas toujours correctement identifiées. En incluant les données de la technique dite d'autopsie verbale, qui consiste à interroger les proches d'une personne récemment morte, ils héritent d'informations qui ne figurent pas dans les registres d'état civil et trouvent des victimes supplémentaires.

    Les moustiques du genre des Anophèles sont les vecteurs du <em>Plasmodium</em>, le parasite unicellulaire à l'origine du paludisme. Lors de la piqûre, le protozoaire est transmis avec la salive. © <em>Centers for Disease Control and Prevention</em>, Wikipédia, DP

    Les moustiques du genre des Anophèles sont les vecteurs du Plasmodium, le parasite unicellulaire à l'origine du paludisme. Lors de la piqûre, le protozoaire est transmis avec la salive. © Centers for Disease Control and Prevention, Wikipédia, DP

    L'OMS reconnaît que sa technique a des failles. Elle fonde ses estimations sur des rapports fournis par les gouvernements eux-mêmes. À l'inverse de la précédente, cette méthode « a tendance à sous-évaluer le nombre des décès causés par le paludisme. En effet, les personnes n'ayant pas été en rapport avec une structure sanitaire ne seront pas recensées dans ces statistiques », poursuit Awa-Marie Coll-Seck.

    Les deux travaux se rejoignent pourtant pour admettre qu'une baisse de la mortalité est constatée depuis plusieurs années. L'étude de Christopher Murray avance une « diminution de 32 % depuis 2004 » alors que l'OMS parle de « 33 % de baisse depuis 2000 ». On admettra que ce sont là des appréciations proches... Il n'en reste pas moins que toutes ces données ne permettent pas de se rendre compte aisément de la gravitégravité réelle de cette maladie qui « tue un enfant chaque minute » d'après Raymond G. Chambers, envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU pour le paludisme.