Des chercheurs se sont demandé si le fait de recevoir des cadeaux de l'industrie pharmaceutique avait un impact sur les prescriptions des médecins. Si une corrélation a été mise en évidence, on ne peut pas encore parler de causalité. 


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    Sans crier au complot de « Big Pharma », cette entité un peu floue censée définir un groupuscule pernicieux, coordonné et volontairement malfaisant envers notre santé, des chercheurs se sont interrogés sur la relation qui pourrait exister entre la qualité et le nombre des prescriptions médicales et les cadeaux provenant des laboratoires pharmaceutiques remis aux médecins. Il se trouve que les scientifiques mettent en évidence une corrélation entre ces deux paramètres tout en précisant que la causalité reste à démontrer. Néanmoins, si l'on se penche du côté de la psychologie sociale, cela semble cohérent de le penser. Leur étude est publiée dans le British Médical Journal.

    Jusqu'à 6 euros de plus par prescription 

    En se fiant aux déclarations publiées dans la base de donnéesbase de données françaises Transparence santé et parallèlement aux données de remboursement par visite de la Sécurité sociale, les investigateurs ont pu constater les résultats suivants : en globalité, les remboursements effectués par la Sécurité sociale par visite sont plus élevés de 5,33 euros en moyenne chez les médecins qui reçoivent plus de 1.000 euros de « cadeaux » par an. De plus, les médecins généralistes qui ne reçoivent aucune faveur des laboratoires prescrivent plus de médicaments génériques (surtout les antibiotiques, les anti-hypertenseursanti-hypertenseurs et les statines). Des médicaments spécifiques sont également plus prescrits par les médecins « rémunérés ». C'est le cas des benzodiazépines (antidépresseurs) et de certains vasodilatateurs. Les autres médecins prescrivent très rarement sur une duréedurée qui s'étend à plus de 12 semaines ce type de médication. Par ailleurs, ces derniers prescrivent plus d'inhibiteurs de l'enzyme de conversioninhibiteurs de l'enzyme de conversion. Concernant les inhibiteurs de la pompe à protonproton et les antidépresseurs génériques, aucune différence notable n'a été relevée.

    Que se passe-t-il si un médecin se sent redevable, même inconsciemment, parce qu'on lui a offert un repas, un séjour, ou des cadeaux divers et variés ? La tendance naturelle que nous avons tous est de rendre la pareille à celui qui nous a offert quelque chose. © Даниил Дудник, Adobe Stock
    Que se passe-t-il si un médecin se sent redevable, même inconsciemment, parce qu'on lui a offert un repas, un séjour, ou des cadeaux divers et variés ? La tendance naturelle que nous avons tous est de rendre la pareille à celui qui nous a offert quelque chose. © Даниил Дудник, Adobe Stock

    La norme de la réciprocité se cache-t-elle derrière ce phénomène ? 

    Les chercheurs restent très prudents sur l'interprétation de leurs résultats. Voici leur conclusion : « Nos résultats suggèrent que les médecins généralistes français qui ne reçoivent pas de cadeaux des sociétés pharmaceutiques ont de meilleurs indicateurs d'efficacité des médicaments et des prescriptions de médicaments moins coûteux que les médecins généralistes qui reçoivent des cadeaux. Cette étude d'observation est susceptible d'être biaisée par des facteurs de confusion et donc aucune relation de cause à effet ne peut être conclue. »

    Néanmoins, il y a un biais cognitif qui pourrait expliquer la corrélation observée, s'il s'avère par la suite qu'il s'agit bien d'une relation de causalité entre ces deux paramètres : la norme de réciprocité. Ce n'est pas un biais cognitif en tant que tel, étant donné qu'il nous permet de tisser des liens sociaux et de les conserver. Il a été théorisé, en 1960, par le sociologue américain Alwin Gouldner dans son article The norme of reciprocity. Mais dans le cadre de la pratique médicale, il représente un biais majeur dans l'optique où si un médecin se sent redevable, même inconsciemment, parce qu'on lui a offert un repas, un séjour, ou des cadeaux divers et variés, la tendance naturelle serait celle que nous avons, nous, animaux sociaux : rendre la pareille à celui qui nous a offert quelque chose. Eh oui, les médecins sont des humains comme les autres...