Des chercheurs américains proposent d’injecter aux patients hémophiles des cellules de foie capables de produire le facteur de coagulation manquant. La technique testée avec succès chez la souris pourrait éviter aux malades des injections répétées de facteurs de coagulation.

L'hémophilie B est un déficit de coagulation du sang, dû à un problème avec le gène qui code pour le facteur de coagulation IX (FIX). La maladie touche une naissance masculine sur 30.000. Les patients souffrent d'hémorragies fréquentes, dans les articulations, les muscles, d'où des inflammations chroniques, des invalidités ; ils peuvent aussi être victimes d'une hémorragie fatale. L'hémophilie est légère si l'activité du facteur IX est comprise entre 5 et 40 %, elle est modérée pour une activité de 1 à 5 % et sévère pour moins de 1 % d'activité de FIX.

Pour limiter ces risques, les patients doivent faire des injections du facteur FIX, parfois plusieurs fois par semaine. Cette approche est coûteuse, contraignante et souvent moins efficace avec le temps. Dans une nouvelle étude parue dans Cell reports, des chercheurs du Salk Institute for Biological Studies (La Jolla) proposent de traiter la maladie en une seule fois, avec une injection de cellules de souches hépatiques.

Comme FIX est fabriqué au niveau du foie, une solution pourrait être de greffer cet organe. Mais les donneurs de foie sont peu nombreux. C'est pourquoi la recherche se tourne plutôt vers l'utilisation de cellules souches. Une autre piste thérapeutique est celle de la thérapie génique avec des vecteurs viraux comme l'AAV ; mais l'utilisation de vecteurs viraux pose aussi des questions, à cause de l'intégration aléatoire des gènes dans le génome et du risque de réaction contre le virus.

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Les chercheurs ont donc développé une nouvelle approche sur des souris modèles pour l'hémophilie. Ils ont prélevé du sang à deux patients souffrant d'une hémophilie B sévère, qui étaient incapables de produire le facteur FIX. Au laboratoire, ils ont reprogrammé les cellules en cellules souches pluripotentes induites (iPSC), qui sont capables de donner de nombreux types cellulaires, y compris des cellules de foie.

À gauche : les cellules des patients ont des niveaux bas de facteur IX. À droite : après correction du gène, les cellules produisent des niveaux normaux de FIX. © Salk Institute

À gauche : les cellules des patients ont des niveaux bas de facteur IX. À droite : après correction du gène, les cellules produisent des niveaux normaux de FIX. © Salk Institute

Les mutations responsables de l'hémophilie ont été corrigées de deux manières différentes : en utilisant l'édition génomique avec CRISPR/Cas9 chez un patient, et avec un ADNc contenant le gène de FIX chez l'autre patient. Les cellules ont donné des précurseurs d'hépatocytes qui ont été transplantés dans le modèle de souris pour l'hémophilie.

Au lieu de faire une chirurgie sur les souris, ce qui peut être dangereux car le sang ne coagule pas bien, l'équipe a greffé les cellules en passant par la rate pour qu'elle les envoie dans le foie en suivant le système porte. Non seulement les cellules ont bien produit le facteur de coagulation, mais la protéine était en quantité suffisante. Les cellules ont survécu et produit FIX pendant au moins une année après la greffe.

Plutôt que des injections constantes, vous pouvez le faire en un seul coup

Il faudra encore d'autres travaux pour que cette technique arrive au stade clinique. Suvasini Ramaswamy, principale auteure de cet article, a expliqué dans un communiqué, que ce qui est intéressant avec cette approche cellulaire, c'est de limiter le nombre de traitements : « Plutôt que des injections constantes, vous pouvez le faire en un seul coup. »